Re-écrire notre histoire et la raconter, pour vénérer les personnalités africaines qui ont marqué le temps et la civilisation à l’instar de Kimpa Vita, telle est la démarche de Ne Kunda Nlaba, réalisateur du film « Kimpa Vita, la mère de la Révolution ».
Rencontré lors du festival multiculturel des diasporas africaines, le « festival Congolisation », le 14 janvier 2017 au Panofabriek à Saint-Gilles, où était projeté par ailleurs le film « Kimpa Vita, La Mère de la Révolution Africaine »,
le réalisateur n’est pas passé par quatre chemins, pour nous expliquer ses motivations à réaliser ce film dont l’oeuvre est à saluer.
Après avoir découvert l’histoire de « Mama Kimpa Vita » à travers le mouvement d’éveil spirituel africain en République Démocratique du Congo, le mouvement « Vuvamu », parce que notre propre histoire n’est pas enseignée dans le système éducatif, nous confie la réalisateur, Ne Kunda Nlaba s’est lancé dans la recherche d’archives, de sources d’information, d’entretiens avec des écrivains, et personnalités africaines (Sylvia Serbin, auteure du livre « Reines d’Afrique et Héroïnes de la Diaspora Noire », Makisola Mawete, écrivain et sociologue, Patricio Batsikama, auteur du live « le Royaume Kongo et son origine méridionale », Lilian Thuran, auteur du livre « Mes Etoiles » et ancien footballeur international français), pour raconter l’histoire de la jeune Kimpa Vita et la faire découvrir au monde entier.
Le film retrace le parcours de vie, le courage, la détermination et les péripéties de la jeune prophétesse Kimpa Vita qui à l’âge de 20 ans, en 1704, décide de libérer son peuple, le royaume Kongo en proie à l’occupation portugaise, à l’esclavage, aux pillage de ses ressources naturelles, aux divisions internes, … La jeune prophétesse, dotée d’une puissance naturelle et illuminée par ces ancêtres a une triple mission:
1) la libération spirituelle de son peuple. A la place de la spiritualité et de la croyance du royaume Kongo en un Dieu unique créateur de l’univers, les prêtres religieux portugais ont apporté et imposé leur Christianisme avec le rite du baptême et un changement de nom du baptisé. A titre d’exemple, le roi Nzinga A Nkuwu se fera baptiser et prendra le nom de Joao 1er. Il perdra alors toute son autorité et son pouvoir.
2) La libération économique d’un peuple organisé fort et prospère à l’époque. On se rappellera de la bataille d’Ambuila ( la guerre de minerais) où le royaume était alors livré au pillage organisé de ses ressources minières et ce bien avant 1684, à l’esclavage, à la déportation, … Cette guerre sera le point de départ du déclin du royaume Kongo. Comment mettre fin à cette situation?
3) La libération politique et la reconstruction de la ville de Mbanza Kongo, le siège des institutions du royaume, ainsi que la médiation entre les prétendants au trône.
Ce film est le fruit d’une confrontation de sources d’informations, que le réalisateur a su recouper en se basant sur les faits historiques et les témoignages, pour en faire un véritable chef-d’oeuvre de 71 minutes. Kimpa Vita, La Mère de la Révolution Africaine est un film inédit qui met aussi en exergue, la grandeur d’un peuple, le royaume Kongo, organisé, prospère économiquement, avec des institutions: Un pouvoir politique, un pouvoir économique, une armée, une religion, … Le film a sans aucun doute un apport pédagogique, aussi bien pour la jeune génération que les adultes et la communauté scientifique. « Cette histoire n’est pas enseignée dans les manuels scolaires. Souvent notre histoire, lorsqu’elle est enseignée, elle est entachée d’entorses et de falsifications », martèle le réalisateur au cours de l’entretien qu’il nous a accordé. Ce film a aussi une valeur symbolique, dans la mesure où il réhabilite l’histoire de ce peuple-continent qu’est la République Démocratique du Congo.
Dans le contexte actuel, le combat de Kimpa Vita, est comparable celui de beaucoup d’Etats, la jeunesse et des hommes et femmes africains ou non africains, assoiffés de liberté et de souveraineté de leur peuple. Le peuple africain vit encore sous d’autres formes de servitude: le pillage systématique de ses ressources naturelles continue, avec l’aval de certains hommes politiques cupides et peu soucieux du bien être de leur population. La sous évaluation de ce qui rentre dans les caisses de l’Etat dans les contrats d’exploitation des ressources minières en est un exemple palpant. La dépendance économique et monétaire des Etats d’Afrique, pour mieux contrôler leurs économies est en un autre exemple. Une monnaie étrangère par ailleurs imposée à l’Afrique, il y a plus de 50 ans (le franc CFA) et qui est l’objet en permanence de dévaluation. L’aide au développement qui semble être un don, mais à y voir de prêt ne l’est pas. Sans oublier la dépendance politique, où beaucoup de chefs d’Etat Africain se maintiennent au pouvoir sous la bonne volonté et le dictat des puissance étrangères. Le combat de Kimpa Vita est d’actualité!!!
Le film « Kimpa Vita, La Mère de la Révolution Africaine » a été projeté pour la première fois le 4 août 2016 au Centre Culturel Brésil Angola à Louanda en Angola. Il a ensuite été programmé et vu dans la ville de Mbanza Kongo en République Démocratique du Congo ce même mois d’août 2016. L’histoire que révèle le film est telle, qu’il y a eu des pleurs, des réactions et commentaires des très positifs des cinéphiles et du grand public, nous révèle le réalisateur du film. L’engouement du public et la forte demande ont permis au film d’avoir déjà un riche parcours. C’est ainsi que le film a été vu à Paris, à Londres, à Bruxelles (le 2/12/2016). Il est à nouveau programmé à Bruxelles, au Cinéma Aventure, à partir du 27 janvier 2017.
Les échos du film ont déjà traversé les frontières. Le film est attendu en Allemagne, aux Etats-Unis, en Jamaïque, au Gabon. Le réalisateur attend également la confirmation pour une programmation du film dans le cadre de la 25ème édition du Festival du Cinéma et de la Télévision de Ouagadougou (Fespaco) qui se tiendra le 25 février au 04 mars 2017.
Vu la forte demande et pour diversifier les goûts, le réalisateur et producteur du film Ne Kunda Nlaba, prévoit en plus de la version documentaire actuel, deux versions futures: la fiction et l’animation du dit film.
« Kimpa Vita, La Mère de la Révolution Africaine » est déjà une réussite. Réussite d’avoir, au bout de deux ans et demi de travail, fait revivre une histoire qui date et qui éclaire sans détour, l’opinion nationale et internationale, sur les affres du royaume Kongo. Ce film suscitera sans aucun doute des débats, sur la reconnaissance de l’injustice et de l’oppression dont a été victime un peuple, le royaume Kongo. C’est une grande oeuvre à voir absolument en ce début d’année 2017.
Ghislain Zobiyo