La Mission permanente de l’Union Africaine (UA) à Bruxelles, et les organisations des femmes de la diaspora africaine en Belgique ont célébré la Journée internationale de la femme (JIF) 2016, sous le signe de la solidarité. Tout comme le groupe des Etats d’Afrique des Caraïbes et du Pacifique (ACP), qui célébrait cette journée dédiée à la femme, le bilan des avancées significatives des droits des femmes ainsi que les nombreux défis à relever étaient au coeur des débats.
Elles sont venues en nombre des quatre coins de la Belgique, drapées dans de belles tenues, moderne et traditionnelle, pour célébrer ensemble avec la Mission permanente de l’UA à Bruxelles, et en présence de quelques figures emblématiques des droits de l’homme, de la protection des enfants en Afrique, en l’occurrence, Marguerite Barankitse fondatrice de la Maison Shalom au Burundi, mais aussi d’imminentes femmes politiques belges, la journée internationale de la femme du 08 mars 2016, baptisée, journée internationale des droits des femmes.
Dans son mot d’introduction, Ajay Kumar Bramdeo, représentant de la Mission permanente de l’UA à Bruxelles, après avoir souhaité une bonne fête à toutes les femmes, a félicité les organisations de la diaspora féminine africaine, pour les efforts consentis dans l’amélioration des conditions de vie des filles et femmes africaines en Europe, mais aussi en Afrique, ainsi que la visibilité de leur activité dans l’espace médiatique de la Belgique. Rappelons que la journée internationale de la femme est l’aboutissement de luttes et sacrifices féministes, menées sur le continent américain et européen, bien avant 1909, reconnue par les Nations unies. Eu égard à toutes les luttes et sacrifices menées et à mener pour l’égalité des genres, la célébration de cette journée dédiée à femme revêt toute son importance.
Pour témoigner de l’avancement des travaux de l’UA et sa préoccupation sur les questions du genre, l’année 2016 a été définie par l’UA, Année des Droits de l’Homme, avec un accent particulier sur les Droits des Femmes. L’institution a mis en route tout un arsenal d’instruments juridiques, présentés et développés par Elias Yala, coordinateur de la célébration de la jIF 2016. Ces instruments à savoir: la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples; le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des femmes en Afrique; le Protocole de Maputo; la Déclaration solennelle sur l’égalité des genres en Afrique; le Protocole sur le statut de la Cour de justice et des droits de l’homme en Afrique; l’Agenda de l’Afrique à l’horizon 2063, …, ont été matérialisé par la mise en place en février 2009, de la première politique africaine du genre. Cette politique ayant pour but, d’améliorer la consécration de l’égalité entre les hommes et les femmes d’une part; et en vue de plaider en faveur de l’intégration des questions du genre dans l’Agenda politique continental, d’autre part, a mentionné le porte parole de la Mission permanente de l’UA à Bruxelles.
Si tous ces instruments juridiques contraignants étaient simplement appliqués par les Etats membres, l’Afrique serait avancée, dans le processus d’égalité des genres, et la « peur », selon le représentant de la Mission permanente de l’UA n’existerait plus en Afrique. Malgré quelques avancées ci et là dans peu de pays d’Afrique en matière des droits des femmes, dans une bonne partie du continent malheureusement, nous sommes hélas, loin du compte. Beaucoup d’exactions et d’impunités aussi bien à l’égard des hommes que des femmes, beaucoup d’injustices dans différents secteurs de la vie politique, économique et sociale à l’égard de la femme, l’absence de participation de la femme à la résolution des conflits, etc, persistent toujours en Afrique(ce point sera développé plus loin). Toujours dans son allocution, Ajay Bramdeo a fait mention, de la période 2010-2020, proclamée par l’UA comme étant, la « décennie de la femme africaine », sous le thème « Approche locale pour l’égalité des genres et l’autonomisation des femmes ». Pour renforcer sa politique sur le droit des femmes, l’UA a crée en 2009, le « Fonds pour les femmes africaines ». Grâce à ce Fonds, la Commission de l’Union africaine vise à mobiliser des ressources financières pour soutenir les programmes et projets de développement en faveur des femmes et la lutte contre la pauvreté.
Plusieurs intervenants ont également embelli cette célébration par leur contribution. C’est le cas de Marguerite Barankitse, affectueusement appelée Maggy, l’invitée d’honneur à cette célébration. Elle a partagé une chansonnette de fête d’antan (avec le concours des femmes invitées). Je cite : « femme noire femme africaine, ô toi ma mère je pense à toi, ô dame ô ma mère, toi qui me porta sur le dos ». Elle a également rendu hommage à toutes les femmes. Maggy a dédié ce moment, aux femmes et aux mamans du milieu rural, pour leur dévouement. « Ces femmes qui travaillent 48h sur 24h, c’est grâce à elles que leurs filles sont allées à l’école et sont aujourd’hui, des cadres, dans tous les domaines de la vie », a t-elle ajouté. Dans son message adressé au monde entier, Maggy a témoigné sa solidarité à l’égard des des femmes migrantes. Elle a appelé toutes les femmes à manifester pour réclamer leurs droits «Nous sommes citoyennes du monde. Femmes, manifestez et réclamez tous vos droits. Femmes, soyons debout et proclamons haut et fort que la femme a une vocation sublime. Au moment ou certains hommes pensent au pouvoir, à la violence, la femme est là pour distribuer la tendresse. Pensons à ces grandes figures, Esther qui a défié l’armée Israélienne, etc ».
Regina Mukondola, présidente de l’Union des femmes africaines a apporté un éclairage sur les activités de son organisation non gouvernementale, depuis sa création en 1998. Son ONG oeuvre entre autre, au soutien des femmes migrantes africaines en Belgique. Elle vise à la promotion et la visibilité des femmes africaines, à l’autonomisation de celles-ci. Elle encouragement la femme et de la jeune fille africaines à s’intéresser au domaines de l’entrepreneuriat. Chaqu’année son ONG décerne des prix aux femmes de la diaspora africaine qui se sont illustrées dans différentes de la vie en Belgique. La présidente de l’Union des femmes africaines a dénoncé les pratiques culturelles nuisibles telles que les mutilations génitales féminines, les mariages forcés. Ou encore l’utilisation de femmes, filles et jeunes filles comme bouclier humain lors des conflits armés. Elle lance un appel à l’UA, à agir et mettre fin à toutes ces pratiques.
Dans un tout autre registre, Malika Madi, romancière et dramaturge de la descendance africaine, a partagé son analyse sur la transmission de l’identité. L’écrivaine a posé sa réflexion, sur le regard croisé entre trois générations de femmes, d’ascendance africaine issues de l’immigration des années 60. Elle a aussi souligné les influences de toutes sortes auxquelles sont exposés les jeunes: endoctrinement par des groupes mafieux, radicalisation,… Elle en appelle à plus de vigillance.
Delphine Nouind, Juriste et Spécialiste des droits fondamentaux membre de Femme de bonne volonté Internationale (FDBVI), association de droit belge membre de l’Union des femmes africaines de Belgique (UFA) nous a entretenu sur l’approche de la migration comme moteur de développement, la place et le rôle contributif des diasporas dans le développement de l’Afrique, mais aussi dans l’économie du pays d’accueil par l’insertion socioprofessionnelle. Elle a insisté sur l’objet social de son association en faveur des droits des femmes, l’implication de celles-ci dans les projets de développement en Afrique.
Marie-Chantal Uwitonze, fondatrice et présidente du réseau Africa Diaspora Network in Europe a présenté, les défis d’intégration des femmes de la diaspora en Europe, en prenant le cas de la Belgique. Ella a épinglé à l’intérieur de la communauté, les maux qui minent la diaspora africaine, je cite: l’absence de leadership féminin avec une vision commune d’une évolution de la communauté africaine, l’absence de solidarité et de coordination dans les actions à mener, …. Elle a fait état aussi de la discrimination à l’embauche. Certains secteurs d’activité du pays d’accueil semblent plus ouvert à la diaspora africaine que d’autres. D’où son appel à plus de solidarité si l’on veut être plus représentative et mieux défendre les droits des femmes.
L’un des temps forts de cette journée fut la présentation avec illustration à l’appui, de la dégradation des droits de la femmes au Burundi par Juliette Nijimbere, Vice-présidente du Mouvement des femmes et filles pour la paix et la sécurité au Burundi (MFFPS). Les images des exécutions sommaires de plusieurs femmes sous le régime de Pierre Nkurunziza, selon les sources onusiennes, ont étayé le propos de la vice-présidente. Elle a démontré, les différents niveaux de violence: physique, psychologique, juridique, enlèvement et exécution,…, que subissent les femmes burundaises. Ces femmes se retrouvent en finalité dans des camps de fortune. D’après les chiffres du Haut Commissariat aux réfugiés, on dénombre plus de 240.000 réfugiés burundais chez les pays voisins (Rwanda, Ouganda, République Démocratique du Congo). D’ou son appel à la communauté internationale, d’agir avec fermeté et surtout d’envoyer les 5000 hommes du Conseil de Sécurité de l’UA. La communauté internationale peut protéger le peuple burundais a-t-elle insisté. Elle a invité cette communauté internationale, (UA, Europe entre autre),à prendre ses responsabilités vis à vis de la violation des droits des femmes en s’appuyant. Elle a appelé de ses voeux l’ensemble des Etats, à utiliser la résolution 1325 des Nations Unies.
Un point de vue appuyé par Gisèle Mandaila Malamba, Conseillère communale d’Etterbeek, ancienne Secrétaire d’Etat. Elle a exhorté les responsables politiques à appliquer et à implémenter la résolution 1325 des Nations Unies, qui implique la participation des femmes dans toute résolution de conflits, non pas uniquement en temps de conflits, mais aussi en temps « de paix ». Elle a appelé les chefs d’Etat et de gouvernement à inclure cette résolution 1325 dans leur programme politique, si nous voulons arriver à une paix véritable en Afrique.
Une participante à cette célébration a invité l’ensemble des femmes burundaises à faire la grève du devoir conjugal. Je cite : « refusez tous les devoirs conjugaux, depuis la première dame, les épouses des ministres, jusqu’au bas de l’échelle. Selon elle, une grève du devoir conjugal pourrait être la solution à la crise au Burundi ». Cette pratique de la grève du sexe a déjà été utilisée comme arme politique dans certains pays d’Afrique. Au Kenya, en avril 2009, dix associations de femmes avaient appelé les Kényanes à une semaine d’abstinence pour mettre fin aux disputes entre le président Mwai Kibaki et le Premier ministre Raila Odinga, forcé à une cohabitation difficile depuis les violences postélectorales de 2007. Le boycott, soutenu par l’épouse du chef gouvernement Ida Odinga, avait porté ses fruits. « Nous avons décidé d’accélérer les réformes constitutionnelles et les réformes concernant la justice et la police. J’espère que les femmes du Kenya n’auront pas à reprendre le boycott », avait déclaré le ministre de l’Energie Kiraitu Murungi, à l’issue d’une rencontre avec le président et son chef du gouvernement »(sources Afrik.com). Elle a conclu sur un message: il n’y a pas de devoir sans droit. Nous devons nous donner la main pour travailler ensemble. Travailler ensemble c’est la réussite, et puis nous devons communiquer.
Il y a eu d’autres contributions, notamment celle de James Ololo, représentant de Kenya Experts. Il a déployé sa vision, sur la nécessite de développer des réseaux professionnels, avec une attention sur l’apprentissage à l’autonomisation des jeunes.
Au terme d’une longue journée d’exposés et débats, 5 résolutions ont été adoptées par l’ensemble des participants. Parmi elles:
1) la création d’un réseau de la diaspora africaine en Europe
3) la sensibilisation et la diffusion d’informations sur les derniers développements au sein de l’UA et les Etats membres, de la protection des droits humains
3) l’aspiration de l’agenda de l’UA à l’horizon 2063. Nous devons contribuer à une bonne gouvernance en Afrique, à la démocratie, au respect des droit de l’homme et la justice et à des Etats de droit.
La célébration s’est clôturée par le slam de la jeune artiste Gioia Frolli accompagnée de son guitariste et un verre de l’amitié.
Parallèlement à l’UA, le groupe des Etats d’Afrique des Caraîbes et du Pacifique (ACP) célébrait lui aussi, cette JIF 2016. Après le mot de bienvenue de Ognimba, Sous-secrétaire général du groupe chargé du département des questions de Politiques et du Développement humain, plusieurs communications se sont succédées, qui pour présenter un bilan de l’évolution des droits des femmes et de certains acquis en Afrique, qui pour dénoncer les exactions, les violences et abus multiples dont subissent malheureusement encore les femmes, aussi bien en temps de paix qu’en temps de conflits armé.
Edwige Abena, Présidente de l’association pour le développement et l’égalité des femmes, a donné une vue planétaire de l’altération des droits des femmes. Je cite: « Le viol, l’esclavage sexuel, la grossesse forcée, la prostitution forcée, sont les formes très répandues de violence contre les femmes en temps de guerre ou de conflit armé. Les statistiques des Nations Unies montrent que plus de 500.000 femmes ont été violées au cours du génocide du Rwanda de 1994. Près de 50.000 femmes ont subi des violences sexuelles en Bosnie-Herzegovine au début des années 1990. La violence sexuelle était un des traits caractéristiques de la guerre civile qui a ravagé le Liberia pendant 14 ans. Une enquête réalisée par Amnesty International lors du conflit armé dans l’Est de la République démocratique du Congo révèle que des dizaines de milliers de femmes et de jeunes filles ont été violées à plusieurs reprises ou ont subi des viols collectifs. Ces femmes ont été attaquées chez elles ou dans les champs alors qu’elles vaquaient à leurs occupations.
Durant le conflit de Sierra Leone, on estime à plus de 50.000, le nombre de femmes déplacées qui ont subi des violences sexuelles par les combattants armés. En Colombie, la violence sexuelle est généralisée et fait partie intégrante du conflit armé. Elle est le fait des forces de sécurité, des groupes paramilitaires soutenus par l’armée et les organisations de guérilla. D’autres conflits, moins connus, sont également marqués par de nombreux actes de violence perpétrés contre des femmes. C’est le cas, par exemple, aux îles Salomon en 2004 où 200 viols de femmes ont été signalés à la police en trois mois seulement ».
Elle a bouclé son intervention an lançant un appel à l’ensemble des gouvernements des pays membres du groupe ACP, à faire respecter, protéger et garantir le droit fondamental de toute femme contre des actes criminels violents, en temps de paix comme en temps de guerre. Elle a invité les Etats du monde, à faire traduire en justice les responsables présumés de violence contre les femmes, soit devant leurs tribunaux nationaux soit devant la Cour pénale internationale.
Au terme d’un après-midi riche en communications, entrecoupé par des intermèdes culturels (chants et danses), le Secrétaire général du groupe ACP, Patrick Ignatius Gomes a adressé ses remerciements à tous les intervenants et invités. La fête s’est poursuivie par un cocktail dinatoire.
Tous ces appels à la solidarité, à l’application de la résolution 1325 des Nations Unies, à la responsabilité de la communauté internationale vis à vis des questions préoccupantes du monde: crise burundaise, crise migratoire, les violences à l’égard des femmes, filles et jeunes filles, traduire en justice les présumés responsables de violences ou de crime seront-ils entendus par les responsables politiques? Rendez-vous l’année suivante pour faire le bilan. Ghislain Zobiyo