Au début de la réunion, le membre du Conseil européen représentant l’État membre qui exerce la présidence semestrielle du Conseil a présenté un aperçu des progrès accomplis dans la mise en œuvre des précédentes conclusions du Conseil européen.
I. MIGRATIONS
1. L’approche suivie par les États membres et les institutions de l’UE pour assurer un contrôle total des frontières extérieures porte ses fruits et doit être consolidée. Globalement, les flux migratoires diminuent de manière sensible et le nombre de décès en mer a baissé.
2. Le Conseil européen est déterminé à maintenir son approche globale, pragmatique et résolue, et à l’appliquer chaque fois qu’il y a lieu. Cela suppose:
– de faire preuve de vigilance en ce qui concerne toutes les routes migratoires et d’être prêt
à réagir à toute nouvelle évolution;
– de recourir de manière pragmatique, flexible et coordonnée à tous les instruments dont disposent l’UE et les États membres;
– de soutenir les États membres directement touchés ou concernés, au moyen notamment d’un appui continu de la part des agences de l’UE;
– de coopérer étroitement avec les partenaires internationaux ainsi qu’avec les pays d’origine, de transit et de départ;
– de réduire les incitations à la migration illégale grâce à des retours effectifs;
– de disposer de ressources financières et autres suffisantes.
3. Pour consolider et approfondir cette approche en ce qui concerne toutes les routes migratoires, le Conseil européen préconise en outre ce qui suit:
– montrer que nous sommes pleinement attachés à notre coopération avec la Turquie en matière de migrations et au soutien aux pays des Balkans occidentaux;
– veiller à la mise en œuvre intégrale et non discriminatoire de l’accord de réadmission entre l’UE et la Turquie à l’égard de tous les États membres;
– assurer une nette intensification des retours par des actions au niveau tant de l’UE que des États membres, par exemple des accords et des arrangements de réadmission efficaces; l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes devrait être encore renforcée et jouer un rôle accru dans l’organisation des retours;
– veiller à ce que les missions et opérations PSDC disposent d’effectifs complets et à ce que leurs mandats soient adaptés en fonction des besoins, pour contribuer à la lutte contre les réseaux de trafiquants et de passeurs et concourir au démantèlement de leur modèle
économique; soutenir l’action de nos partenaires du G5 Sahel;
– mettre en œuvre des programmes de réinstallation volontaires et les développer en liaison avec les partenaires internationaux, en particulier le HCR;
– améliorer les échanges d’informations et de données au sein de l’UE, entre les États membres, les agences JAI et les missions et opérations PSDC, ainsi qu’avec les partenaires internationaux; dans ce contexte, le Conseil européen demande que les équipes communes d’enquête opérationnelles soient étendues aux pays concernés;
– créer et mettre en œuvre les moyens d’incitation nécessaires, en utilisant l’ensemble des politiques, instruments et outils dont l’UE dispose à cet effet, y compris le développement, le commerce et les visas, pour obtenir des résultats mesurables sur le plan de la prévention de la migration illégale et du retour des migrants en situation irrégulière.
4. Pour ce qui est de la route de la Méditerranée centrale, le Conseil européen:
– salue la contribution importante apportée par l’Italie sur la route de la Méditerranée centrale;
– demande que les efforts déployés par l’UE se poursuivent et qu’un soutien continue d’être apporté aux États membres pour endiguer les flux et augmenter le nombre de retours, ainsi que pour mettre en place une coopération étroite avec les pays d’origine, de transit et de départ;
– rappelle qu’il importe de coopérer avec les autorités libyennes et tous les voisins de la Libye afin de renforcer les capacités en matière de gestion des frontières, et souligne qu’il est urgent de soutenir le développement des communautés locales libyennes situées sur les routes migratoires;
– encourage et invite à soutenir, y compris financièrement, les efforts déployés par le HCR et l’OIM en Libye, au Sahel et dans la région, notamment pour faciliter davantage les retours volontaires et la réinstallation et améliorer les conditions d’accueil en coopération avec les autorités libyennes, de manière à ce que les migrants bénéficient d’un traitement humain;
– s’engage à assurer un financement suffisant et ciblé, y compris au titre du volet Afrique du Nord du fonds fiduciaire de l’UE pour l’Afrique, afin de soutenir les actions nécessaires liées aux migrations en Afrique du Nord et de financer tous les projets pertinents en 2017 et au-delà, des versements étant effectués en temps utile. Il charge le Conseil d’entreprendre immédiatement, avec l’aide de la Commission, un suivi opérationnel pour que cet engagement soit honoré avant le Conseil européen de décembre;
– appelle à redoubler d’efforts pour établir rapidement une présence permanente de l’UE en Libye, en tenant compte de la situation sur le terrain
5. Le Conseil européen demande que la situation le long des routes de la Méditerranée orientale et occidentale soit suivie de près, à la lumière de l’accroissement récent des flux migratoires.
6. Le Conseil européen rappelle que son approche à long terme de la question des migrations consiste notamment à s’attaquer aux causes profondes des migrations et à offrir
des perspectives économiques et sociales dans les pays de transit et d’origine. À cet égard, il se félicite du lancement récent du Fonds européen pour le développement durable,
qui soutient les investissements dans les pays d’Afrique et du voisinage européen. Il se félicite
également de la mise en œuvre de l’initiative « Résilience économique » de la Banque européenne d’investissement (BEI), qui mobilise des investissements dans les pays
du voisinage européen. Le Conseil européen attend avec intérêt de pouvoir discuter de coopération avec les partenaires africains lors du sommet Union africaine-Union européenne qui se tiendra prochainement.
7. Le Conseil européen réaffirme son attachement au système Schengen et fait part de l’intention de « revenir à l’esprit de Schengen » dès que possible, tout en tenant pleinement compte
des intérêts proportionnés des États membres en matière de sécurité.
8. Le Conseil européen prend note avec satisfaction des progrès accomplis à ce jour en ce qui concerne la réforme du régime d’asile européen commun, et appelle à une plus grande convergence afin de parvenir à un accord permettant de trouver un juste équilibre entre responsabilité et solidarité et d’assurer la résilience face aux crises à venir, conformément à ses conclusions de juin 2017. Le Conseil européen reviendra sur cette question lors de sa réunion en décembre et s’efforcera de parvenir à un consensus au cours du premier semestre de 2018.
II. EUROPE NUMÉRIQUE
9. Le sommet numérique de Tallinn, qui s’est tenu le 29 septembre 2017, a adressé un message fort sur la nécessité d’une Europe numérique plus forte et plus cohérente. Les conclusions
du Premier ministre Ratas à l’issue du sommet constituent une base excellente pour la poursuite des travaux à tous les niveaux.
10. Le passage au numérique offre des possibilités considérables sur le plan de l’innovation, de la croissance et de l’emploi; il contribuera à notre compétitivité mondiale et renforcera
la diversité créative et culturelle. Pour tirer parti de ces possibilités, il convient de relever collectivement certains des défis que pose la transformation numérique et de réexaminer
les politiques concernées par le passage au numérique. Le Conseil européen est prêt à faire le nécessaire pour que l’Europe passe au numérique.
11. Afin de mettre en place avec succès une Europe numérique, l’UE doit s’appuyer en particulier sur les éléments suivants:
– des administrations et des secteurs publics qui entrent pleinement dans l’ère numérique et donnent l’exemple: l’administration en ligne et le déploiement de nouvelles technologies, l’accessibilité, l’administration à guichet unique et le principe de la transmission unique d’informations, ainsi qu’un secteur public passé au numérique sont essentiels pour transformer nos sociétés et soutenir les quatre libertés de l’UE. Le Conseil européen appelle à mettre en œuvre la déclaration ministérielle de Tallinn sur l’administration
en ligne;
– un cadre réglementaire tourné vers l’avenir: l’achèvement dans tous ses éléments, avant la fin de 2018, de la stratégie pour un marché unique numérique demeure une tâche essentielle. En dépit de progrès considérables, les travaux dans ce domaine doivent être accélérés afin que ce délai puisse être respecté. À cette fin, lors de sa session supplémentaire du 24 octobre, le Conseil TTE (Télécommunications) devrait débattre de la façon d’accélérer les travaux sur le marché unique numérique et d’établir les priorités en la matière. Il convient que les colégislateurs parviennent, avant la fin de 2017,
à un accord sur le blocage géographique, les services de médias audiovisuels et
la livraison de colis. Il convient également qu’ils parviennent, d’ici juin 2018, à un accord sur la proposition relative à la libre circulation des données à caractère non personnel et
sur le code des communications électroniques. Le Conseil européen souligne qu’il importe d’assurer, dans les accords commerciaux, des règles appropriées concernant les flux de données avec les pays tiers, sans préjudice de la législation de l’UE. En outre, il y a lieu de poursuivre en priorité les négociations sur le droit d’auteur et sur la directive relative
au contenu numérique. Le Conseil européen insiste par ailleurs sur la nécessité d’une plus grande transparence dans les pratiques et usages des plateformes;
– une infrastructure et un réseau de communications de premier ordre: une coopération au niveau de l’UE est nécessaire à cette fin, notamment pour mettre en place, dans l’ensemble de l’UE, des réseaux fixes et mobiles (5G) à très haut débit parmi les plus performants au monde et pour accroître de manière coordonnée les disponibilités
du spectre radioélectrique d’ici à 2020, dans des conditions règlementaires et économiques homogènes; cela suppose de mobiliser toutes les ressources législatives nécessaires, notamment un nombre suffisant de trilogues, en vue de parvenir à un accord sur le code des communications électroniques, y compris les dispositions nécessaires relatives au spectre radioélectrique;
– une approche commune de la cybersécurité: la confiance est nécessaire dans le monde numérique, et celle-ci ne peut être instaurée que si nous assurons une sécurité plus proactive dès le stade de la conception dans toutes les politiques numériques, offrons une certification de sécurité adéquate pour les produits et services et renforçons notre capacité à prévenir, dissuader et déceler les cyberattaques ainsi qu’à y répondre. À cette fin, les propositions de la Commission concernant la cybersécurité devraient être
élaborées de manière globale, présentées en temps utile et examinées sans retard, sur la base d’un plan d’action qui doit être établi par le Conseil;
– la lutte contre le terrorisme et la criminalité en ligne: il convient de redoubler d’efforts
à cet effet, comme l’a indiqué le Conseil européen dans ses conclusions de juin 2017. Le Conseil européen accueille favorablement la communication de la Commission sur la lutte contre le contenu illicite en ligne et réaffirme qu’il est disposé à apporter
son soutien à des mesures appropriées au niveau de l’UE, s’il y a lieu;
– des marchés du travail et des systèmes de formation et d’éducation adaptés à l’ère numérique: il est nécessaire d’investir dans les compétences numériques pour donner
à tous les Européens la capacité et les moyens d’agir;
– un effort résolu en matière de recherche et développement et d’investissement, afin de soutenir les nouvelles formes d’entrepreneuriat ainsi que de stimuler et d’accompagner la transformation numérique dans l’industrie et les services. Les instruments de l’UE tels que les programmes-cadres de l’UE, y compris Horizon 2020, les Fonds structurels et d’investissement européens et le Fonds européen pour les investissements stratégiques peuvent contribuer à la réalisation de cet objectif. Il convient également que l’UE étudie les moyens de mettre en place les structures et le financement appropriés pour soutenir l’innovation de pointe;
– un sens de l’urgence face aux tendances émergentes, notamment en ce qui concerne des questions telles que l’intelligence artificielle et les technologies des chaînes de blocs; dans le même temps, il s’agit d’assurer une protection des données, des droits numériques et des normes éthiques d’un niveau élevé. Le Conseil européen invite la Commission à proposer une approche européenne de l’intelligence artificielle d’ici le début de 2018 et appelle la Commission à présenter les initiatives nécessaires au renforcement des conditions-cadres en vue de permettre à l’UE d’explorer de nouveaux
marchés au moyen d’innovations fondamentales fondées sur le risque, et de réaffirmer le rôle moteur de son industrie;
– un système fiscal efficace et équitable, qui soit adapté à l’ère numérique: il importe de veiller à ce que toutes les entreprises payent leur juste part d’impôts et d’assurer
des conditions de concurrence équitables au niveau mondial, conformément aux travaux actuellement menées au sein de l’OCDE. Le Conseil européen invite le Conseil
à poursuivre l’examen de la communication de la Commission sur cette question et attend avec intérêt que la Commission présente des propositions appropriées d’ici le début de 2018.
12. Notre objectif doit être de créer un marché unique plus intégré et de procurer des avantages pratiques aux citoyens et aux entreprises européens. Le Conseil européen suivra attentivement les développements dans ce domaine et fournira les orientations nécessaires. Il invite
les institutions à intensifier les travaux législatifs, et les États membres à mettre en œuvre
la législation pertinente de l’UE et à prendre toutes les mesures nécessaires, pour ce qui relève de leur compétence, de manière à façonner l’ère numérique nouvelle. Le Conseil européen traitera à son niveau les questions qui ne peuvent être résolues au niveau du Conseil.
III. SECURITE ET DEFENSE
13. Le Conseil européen rappelle ses conclusions de juin 2017. Il salue les progrès notables réalisés par les États membres dans l’élaboration d’une notification de coopération structurée permanente (CSP) s’accompagnant d’une liste commune d’engagements, ainsi qu’en ce qui concerne la gouvernance de la CSP. Il encourage les États membres qui sont en mesure de
le faire à notifier rapidement au Conseil et à la haute représentante leur intention de participer
à la CSP. Cela permettrait de lancer la CSP avant la fin de l’année, en vue d’une mise
en œuvre rapide des engagements, y compris le lancement de premiers projets. Le Conseil européen se félicite du travail accompli à ce jour par les colégislateurs en ce qui concerne la proposition de la Commission relative à un programme européen de développement
industriel dans le domaine de la défense (EDIDP). Il demande qu’un accord soit trouvé au sein du Conseil d’ici la fin de l’année, l’objectif étant de conclure les négociations avec
le Parlement européen dès que possible de manière à ce que les premiers projets capacitaires définis par les États membres soient financés en 2019.
14. Le Conseil européen encourage les États membres à mettre au point des mécanismes de financement souples et solides dans le cadre du Fonds européen de la défense, pour pouvoir procéder à des passations conjointes de marchés portant sur des capacités et/ou assurer
en commun la maintenance de celles-ci, ainsi que pour améliorer l’accès à des capacités de pointe. L’objectif est de fournir des capacités, de doter l’industrie de défense européenne d’une base compétitive, innovante et équilibrée à l’échelle de l’UE, y compris par une coopération transnationale et une participation des PME, et de contribuer à un renforcement de la coopération européenne en matière de défense, en exploitant les synergies et en mobilisant un soutien de l’UE venant s’ajouter au financement assuré par les États membres. Le développement industriel européen dans le domaine de la défense nécessitera également que l’UE soutienne les investissements des PME et les investissements intermédiaires (sociétés à moyenne capitalisation) dans le domaine de la sécurité et de la défense. Le Conseil européen encourage la BEI à examiner d’autres mesures en vue de soutenir les investissements dans les activités de recherche et développement de défense. Il se félicite du lancement de l’exercice pilote s’inscrivant dans le cadre de l’examen annuel coordonné en matière de défense (EACD), qui devrait contribuer à encourager une coopération renforcée entre États membres dans
le domaine de la défense.
15. Le Conseil européen souligne qu’il est nécessaire que la CSP, le Fonds européen de la défense et l’EACD se renforcent mutuellement de manière à accroître la coopération en matière de défense entre les États membres.
16. Le Conseil européen reviendra sur cette question en décembre 2017 et évaluera les progrès accomplis en ce qui concerne tous les aspects du programme en matière de sécurité extérieure et de défense qui a été défini en décembre 2016.
IV. RELATIONS EXTÉRIEURES
17. Le Conseil européen a tenu un débat sur les relations avec la Turquie.
18. Le Conseil européen appelle la République populaire démocratique de Corée (RPDC) à se conformer immédiatement, pleinement et sans conditions aux obligations qui lui incombent en vertu des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies, et à abandonner
ses programmes nucléaires et de missiles balistiques de façon complète, vérifiable et irréversible. Le comportement récent de la RPDC est inacceptable et constitue une menace grave pour la péninsule coréenne et au-delà. Le Conseil européen souligne que l’objectif d’une paix durable et de la dénucléarisation de la péninsule coréenne doit être atteint par des voies pacifiques, dans le cadre d’un dialogue crédible et constructif. Le régime de
sanctions que l’UE a instauré à l’encontre de la RPDC a encore été renforcé par les sanctions autonomes de l’UE adoptées par le Conseil des affaires étrangères le 16 octobre 2017.
Le Conseil européen envisagera de nouvelles mesures en concertation étroite avec les partenaires, et l’UE continuera à dialoguer avec les pays tiers pour les engager à mettre pleinement en œuvre les sanctions des Nations unies.
19. Le Conseil européen réaffirme qu’il est pleinement attaché à l’accord sur le nucléaire iranien, et il fait sienne la déclaration du Conseil des affaires étrangères du 16 octobre 2017.
(Source : Conseil européen)