Le 45ème Président des Etats-Unis d’Amérique est connu depuis ce 09 novembre 2016. Personne ne s’y attendait. Les sondeurs, les analystes politiques, les médias, tous se sont plantés en pariant sur un autre cheval, plutôt sur leur championne Hillary Roddam Clinton. En fin de course, c’est Donald John Trump qui va arpenter les allées de la Maison Blanche dès le 20 janvier prochain.
Mais qui est-il et comment en est-il arrivé là? Que compte-t-il faire? Quelle est sa vision de l’Amérique et du monde? Décryptage.
Bien né
Fils de Fred Trump, un richissime père qui a fait lui aussi fortune dans l’immobilier, Donald est né en 1946 à New-York. Turbulent et taciturne, il montra dès son adolescence son goût pour la bagarre et la réussite. Il obtint de son père un prêt d’un million de dollars pour monter ses propres affaires avec pour objectifs de devenir plus riche que lui. Dès lors tout lui sera permis. Passant de la provocation à la téléréalité tout en multipliant ses acquisitions immobilières, il cultive l’image d’un homme fort, le symbole de cette Amérique qui réussit, qui ne doute jamais: «je pourrais tirer en pleine rue sur quelqu’un, je ne perdrai aucun électeur, cela est incroyable» dit-il souvent pour bomber le torse lors de sa campagne électorale.
Un parcours atypique
Fort de sa réussite dans les affaires, il enchaîne les investissements dans l’acquisition des «Trump Towers» à New-York. Mais en 1990, son empire déposa le bilan pour avoir malencontreusement jeté son dévolu dans des casinos à Atlantic City. On pensait le magnat à la fin de son règne financier. Mais c’est mal connaître cette bête en business qui avait obtenu son diplôme en sciences économiques à l’université de Pennsylvanie en 1968. Il rebondit dans ce qui lui a le mieux réussi, l’immobilier.
Côté vie privée, il multiplie les divorces et conquiert le cœur de la sulfureuse mannequin Melania avec qui il entrera à la Maison Blanche comme First Lady.
Ses multiples déclarations sur les femmes lui attribuent un statut de machiste. N’empêche, elles ont été nombreuses à lui accorder leurs voix lors du vote du 08 novembre dernier.
Lorsque le 16 juin 2015 Donald Trump annonçait sa candidature à la primaire républicaine pour l’élection présidentielle de novembre 2016, personne ne lui accordait du crédit. Il a été raillé, insulté même si la plupart des critiques sont généralement le fruit de ses sorties fracassantes.
Comme ce tweet sur Hillary Clinton: «Comment peut-elle satisfaire son pays si elle n’arrive pas à satisfaire son mari» ou encore «Le Mexique nous amène la drogue, le crime et les viols», «Des Noirs qui comptent mon argent! Je déteste l’idée. Les seules personnes que je veux voir compter mon argent sont les hommes petits portant la kippa tous les jours». Avec de tels propos, facile de parler de misogynie, de racisme et d’antisémitisme.
Mais Trump n’en a cure, il va multiplier les déclarations les unes plus tonitruantes que les autres, se faisant au passage des ennemis dans son propre camp comme Paul Bryan le patron des Républicains qui avait refusé de s’associer à lui au cours d’un meeting public.
Tout cela n’empêche pas son ascension. Il gravite les échelons et l’apothéose fut son sacre comme candidat du parti Républicain à l’élection présidentielle devant des candidats tout aussi sérieux et prestigieux comme Jeb Bush, Ted Cruz ou le sénateur Marco Rubio.
Make America Great Again
Si Donald Trump malgré son image de magnat égoïste, raciste, masochiste, sulfureux a mérité la confiance des électeurs américains, c’est parce que lui seul avait senti ce désarroi des milieux populaires, de la classe moyenne de ces millions d’oubliés qui continuent de subir les conséquences du crash financier de 2008-2009, ceux qui étaient dépossédés de leurs maisons et biens, de ces milliers d’ouvriers des mines de charbon laissés sur le carreau lorsque les unes après les autres les industries mettaient la clé sous le paillasson.
Donald Trump s’était présenté à eux comme celui qui s’est bâti tout seul (même si cela est faux), a réussi et comme tel, pourrait redonner cet espoir à cette Amérique en déclin, faisant croire au rêve américain. Cela a marché.
Tandis qu’Hillary Clinton et ses rocks et Rn&B stars faisaient la fête lors des meetings et que tous la voyaient déjà dans le bureau ovale, les soutiens du Républicain mettaient les bouchées doubles multipliant les rencontres avec cette Amérique profonde, surfant sur un «Trump antisystème, loin de l’establishment, de la corruption et du mensonge». Le verdict a été sans appel.
Les Etats clés notamment la Floride, la Caroline du Nord et du Sud, la Géorgie, la Pennsylvanie… et les swings states font confiance au richissime homme d’affaires dans un système électoral américain où seuls les grands électeurs font les Présidents même si Hillary Clinton a recueilli plus de 200.000 voix de plus que le candidat républicain. Ce fut une vraie raclée pour les Démocrates.
Que fera Trump de sa victoire?
Un programme flou et en pointillé…
Aucun spécialiste n’arrive jusque-là à cerner le programme de gouvernance de Donald Trump.
Le 22 octobre 2016 à Gettysburg en Pennsylvanie, lieu historique de la guerre de sécession et du célèbre discours d’Abraham Lincoln en 1683, le magnat de l’immobilier a étalé son programme pour les quatre ans à venir et qui se résume en trois mots: isolationniste, ultra-protectionniste, anti-immigration. Ce programme sera exécuté au pas de charges dans les 100 premiers jours de sa présidence.
Immigration
Le Mexique est la bête noire de Trump. Pour lui la plupart des maux dont souffre l’Amérique provient de son voisin mexicain. La drogue, les viols, le travail illégal, les trafics en tous genres c’est la faute de ces immigrés qui franchissent au quotidien la frontière illégalement. Pour mettre un frein à cela il promet la construction de 1600 kilomètres de mur le long de la frontière entre les deux pays, mur qui sera «entièrement financé par le Mexique». Si le projet est incertain, son coût l’est tout aussi. Trump n’en connaît pas lui-même le montant. Il l’estime entre 6 et 12 milliards de dollars.
Il promet également l’expulsion de «plus deux millions d’immigrés criminels et d’annuler les visas des pays étrangers qui ne les reprendront pas». Il expulsera aussi 11 millions d’immigrés clandestins et mettra fin au programme d’accueil de refugiés syriens. Pour faire face à ce défi, Trump envisage tripler le nombre d’agents d’immigration et imposer une peine de deux ans de prison fédérale pour les immigrants clandestins qui reviendraient aux Etats-Unis.
Autres promesses, revenir sur le droit au sol qui permet jusqu’ici à tout enfant né sur le sol américain d’obtenir la nationalité.
Connaissant la légèreté des promesses du candidat Trump, on peut risquer sans se tromper qu’une fois devant la réalité du pouvoir, aucune de celles-ci ne soit tenue.
Economie: isolationnisme et baisse de taxes
Une fois installé à la Maison Blanche, Donald Trump, champion du protectionnisme, entend renégocier le traité de libre-échange nord américain (NAFTA) et son retrait du TPP, le partenariat trans-pacifique.
Selon les convictions de Donald Trump, la Chine est tenue responsable du déficit commercial des USA. Il se dit prêt à accuser Pékin de manipuler les taux de change et lui imposer les droits compensatoires sur les produits «made in China». Comment s’y prendra-t-il alors que c’est la Chine qui prend en charge près de la moitié de la dette souveraine de l’Amérique?
Le milliardaire veut pousser le Congrès à adopter un plan économique qui créerait 25 millions d’emplois sur dix ans à travers les baisses d’impôts substantielles sur les classes moyennes et les entreprises. Objectif: atteindre une croissance de 4% par an. Autrement dit, il vise à relancer l’activité économique par le déficit et la déréglementation en réduisant l’impôt des sociétés de l’ordre de 35% à 15% ainsi que celui des contribuables les plus riches de 39,6% à 33%, ce qui gonflerait le déficit budgétaire alors qu’il ne propose rien qui compenserait ces baisses drastiques d’impôts.
Nombreux sont les experts qui restent dubitatifs sur les propositions économiques de Trump.
Sécurité: retour à la torture et augmentation du budget de la défense
Alors que Barack Obama avait pris des mesures pour qu’aucun aveu ne soit soutiré sous la torture, Donald Trump propose son retour. Comme si cela ne suffisait pas, il appelle également à tuer les familles des terroristes dans le but de dissuader les candidats au djihad. Il entend fermer la porte de l’Amérique aux «musulmans» et particulièrement aux «régions enclines au terrorisme».
Vouant une grande admiration pour l’armée qui a besoin d’être renforcée à grande échelle, avec davantage de soldats, d’avions et de navires, il promet une augmentation de son budget.
Pour les armes, Trump réaffirme la détention d’armes à feu car pour lui «c’est un droit donné par Dieu à l’autodéfense».
Politique étrangère
Son obsession est de défendre seulement les pays membres de l’OTAN (Traité de l’Atlantique Nord) à jour de cotisation et les pousser à payer pour leur propre sécurité. Autrement, il menace de sortir les USA de cette organisation. L’Europe n’est pas surtout pas dans ses priorités.
En ce qui concerne l’organisation terroriste Etat Islamique, Trump demandera dès le 20 janvier «à ses généraux de lui présenter un plan susceptible de vaincre et détruire l’EI sous 30 jours». Il évoque une «guerre classique, mais aussi une guerre sur internet, une guerre financière et une guerre idéologique».
En ce qui concerne l’Iran, il ne porte guère ce pays dans son cœur. Il a promis devant le très influent AIPAC, le groupe de pression juif américain de «démanteler l’accord catastrophique» avec Rohani et son gouvernement.
Sa proximité avec la Russie de Vladimir Poutine est un secret de polichinelle. Il l’apprécie tout autant que le «Tsar» russe l’apprécie. Cela permettra-t-il d’apaiser les tensions dans le monde et de régler le conflit syrien? Et par ricochet les conflits qui minent le Proche et Moyen-Orient?
Santé
Ce que les Américains peuvent retenir des huit ans d’Obama à la Maison Blanche est son projet d’assurance maladie pour les plus démunis et la classe moyenne, ce qui est connu sous le vocable d’OBAMACARE. Le richissime businessman veut y mettre un terme et travaillera pour son abolition «la plus rapide possible». Ce qui empêcherait de nouveau des millions d’Américains de se soigner.
Ecologie
Il ne croit pas au réchauffement climatique par ce qu’il «ne l’expérimente pas tous les jours». Il remet en cause la COP21 signé à Paris le 12 décembre 2015 sur le réchauffement climatique qui entend baisser les émissions de gaz à effets de serre de 2%. «On a parlé dans le passé de refroidissement climatique. Maintenant on parle de réchauffement. Je pense juste que c’est la météo», clame-t-il. Selon ses aveux sur Twitter, le réchauffement climatique est un concept créé par les Chinois pour rendre les produits américains non compétitifs. C’est dire…
Donnant suite à ses convictions, Trump entend supprimer l’Agence de protection de l’environnement (EPA) et annulerait les milliards de dollars de paiement prévus aux Nations unies pour les programmes visant à lutter contre le changement climatique. Dans la même optique, il lèvera les restrictions à la production d’énergies fossiles et relancera le projet d’oléoduc KEYSTONE XL auquel Obama avait mis son veto en février 2015.
Afrique
Trump ignore tout de ce continent. Son programme n’en fait même pas cas ou plutôt très, très rarement.
Alors que les Asiatiques et les Européens définissent l’Afrique comme le continent de futur avec ses ressources inexploitées, ses terres arables sa population jeune et ses 2 milliards d’habitants à l’horizon 2050, Trump compte sur la grandeur et la puissance de son pays pour se remettre sur les rails.
Depuis toujours démocrates et républicains ont toujours partagé une même vision de l’Afrique à quelques nuances près. Si les démocrates sont plus fermes sur la bonne gouvernance, les républicains planchent de leur côté sur l’émergence du secteur privé facteur de croissance. Trump qui n’a pas de spécialiste du continent dans son équipe, fera aux yeux de certains observateurs, une politique pragmatique basée sur la protection des intérêts américains surtout dans la confrontation qu’il entend mener avec la Chine. Sûrement aussi qu’il mettra peu de pressions sur des dirigeants mal élu qui d’ailleurs, se sont empressés pour le féliciter.
Quoi qu’on dise, au regard de ce programme en pointillés de Donald Trump, la première impression qui se dessine est que les Américains ont élu à la tête de la première puissance du monde un OVNI (objet volant non identifié). Ils croient en lui. Mais le connaissent-ils pour autant?Connaissent-ils réellement son programme?
L’application stricte de ce programme est-elle illusoire? Si le magnat de l’immobilier arrive à redresser l’Amérique avec autant «d’ignorance» et à assurer le plein emploi à ses compatriotes, il prouvera qu’on pourra transposer la réussite dans les affaires à la tête d’un pays fut-il aussi grand et puissant comme les Etats-Unis.
Anani SOSSOU