Dossier rédigé par Ghislain Zobiyo
BRUXELLES, le 14 Fév. (BIPMedia)
Administrateur de la nouvelle chaire de littérature et des arts africains à l’Académie royale du royaume du Maroc et Professeur de diplomatie culturelle à l’université Général Lansana Conté Sonfonia à Conakry en Guinée, Eugène Ebodé présentait son dernier roman intitulé « Habiller le ciel« , vendredi 10 février au Brussels Press Club Europe. C’était en présence du Ministre-Conseiller à l’ambassade du Cameroun en Belgique Olivier Kenhago Tazo, de l’échevine de l’Enseignement, de la Politique sportive et des politiques socio-culturelles de la Commune d’Etterbeek, Colette Njomgang Fonkeu, des invités prestigieux de la mission diplomatique gabonaise, et une forte diaspora camerounaise, les amis du Cameroun et de la littérature africaine.
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« Habiller le ciel » est avant tout un hommage que rend Eugène Ebodé à ma mère disparue en 2020. A travers son ouvrage, l’auteur tente de reconstituer l’existence de celle qui a œuvré pendant son existence pour « faire de chacun de ses 10 enfants un être accompli », alors qu’elle ne savait ni lire ni écrire.
« J’ai essayé de redresser maman, de la retirer de la nuit dans laquelle elle était entrée, même si cette nuit était chahutée puisqu’elle me visitait quand même. Elle frappait à la porte de ma conscience, pour me dire tout le bien qu’elle pouvait penser de moi ou tout le mal qu’elle pouvait avoir de mes actions et de mes faiblesses. Et bien, je les ai consigné dans ce livre. Et même nos dialogues post-mortem y figurent », a souligné Pr. Eugène Ebodé.
L’Afrique comme horizon de pensée, tel était le thème central de cette rencontre littéraire, à la lumière de plusieurs ouvrages de l’auteur publiés chez Galimard, dont « La Transmission » (2022), « Silikani (2006) », « La Rose dans le bus jaune (2016) et « Habiller le ciel » (2022).
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L’Afrique comme horizon de pensée est une véritable sculpture, que l’auteur s’est donné comme mission, en revisitant le panafricanisme dans sa quête de libération et d’affranchissement des peuples africains et en suivant son évolution.
Née dans les années de fin du XIXe siècle, le panafricanisme tout comme le mouvement de la « négro-renaissance » ont été porté par des personnages comme William Edward Burghardt Du Bois, Kwame Nkrumah, en passant par Jomo Kenyatta Blaise Ndiaye, plus loin, Martin Luther King, Rosa Parks à titres d’exemples. Pr Eugène Ebodé retrace le parcours difficile de ces mouvements de libération précités, confrontés au racisme, à l’esclavage, à l’oppression, à la déportation, … Il égraine tout aussi les espérances et les victoires engrangées par ces mouvements des peuples africains et afro-américains.
Ces mouvements poursuivent toujours et encore leur lutte et rencontrent d’autres obstacles. « Aujourd’hui, le panafricanisme est englué entre la difficulté de former une unité en terme de fédéralisme ou de confédération », dit l’auteur.
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Une autre difficulté du panafricanisme se situe au niveau des frontières, véritables freins à la connaissance des uns des autres, véritables barrières « à la circulation de nos idées et de nos pensées, de nos cultures », a ajouté Mr Ebodé. Il appelle à un panafricanisme où « les Afriques », qu’elles soient blanche ou noire, qu’elles soient du Nord ou Subsaharienne puissent engager des coopérations entre elles ».
Pr Ebodé appelle à s’inspirer de l’exemple des unions douanières africaines qui fonctionnent et qui coopèrent, pour faire en sorte que le panafricanisme parte de la base ».
Le panafricanisme est confronté aussi au cloisonnement linguistique de l’héritage qui ne favorise pas la coopération culturelle. « il y a trop de cloisons linguistiques, les arabophones d’un côté les francophones de l’autre les anglophones, les lusophones et les autres phones, et on oublie qu’il y a nos langues aussi qui ont droit de cité et qui ne sont pas à masquer ou à Cacher comme si c’était des hontes, pas du tout », fait-il remarquer ».
Le décloisonnement linguistique passe par la prise de conscience d’abord de l’existence de ces cloisons, et ensuite dit-il « vous mettez en avant une opération de rénovation comme dans une maison ». La richesse de la langue est aussi comprise dans les héritages très anciens qu’elle recouvre qu’elle représente, et qui ont besoin d’être exposés et exhibés, poursuit l’auteur.
Pour illustrer cette richesse des langues africaines, Pr. Ebodé s’est appuyé sur une parole de la langue « Beti » du Cameroun. « Mbil idou inga kat kara ». Ce qui signifie que « le petit trou de souris résista aux pinces acérées d’un crabe ». Toute une sagesse qui peut aussi être l’idée que nous avons des citadelles imprenables.
Les langues sont le prisme par lequel la pensée et l’action se matérialisent. Elles ne doivent pas l’être un instrument où s’exerce le séparatisme , a appellé de ses vœux Pr Ebodé. « Nous qui avons plus de 300 langues au Cameroun, Afrique en miniature dit-on. Ce n’est pas la langue qui doit nous séparer. Mais nous devons prendre nos langues pour que ce soit une force et non une faiblesse, a-t-il insisté.
Plus de la moitié des langues du monde se trouvent en Afrique. L’auteur du roman « Habiller le ciel » invite à considérer les langues africaines, sous le prisme d’une générosité dans la traduction, puis par une action de mutualisation, et que ces langues soient magnifiées par la capacité à les translater.
Pour faire connaître la richesse de la littérature africaines et des auteurs africains, Pr Eugène Ebodé a proposé de prendre un livre chaque année, et de le traduire en français et en anglais, et même dans d’autres langues.
L’auteur du roman « Habiller le ciel » appelle enfin à militer pour la création d’une université panafricaine, parce que celle-ci portera haut, les couleurs du continent africain. « Cette université panafricaine, dit-il, c’est un peu ce que nous faisons déjà à l’Académie du royaume du Maroc, à la chaire des littératures et arts africains que j’ai l’honneur de diriger depuis sa création ».
« Que nous dépassons les clivages anciens et que la générosité de la traduction soit l’hospitalité et l’horizon de cette Afrique de demain que nous appelons de tous nos vœux », a-t-il conclu son propos.
Cette rencontre littéraire a été enrichie par des questions et échanges avec les participants. Elle était suivie d’une dédicace de l’auteur. La rencontre littéraire était organisée sous le haut patronage de l’ambassade du Cameroun en Belgique.
« Habiller le ciel a été largement salué par le critique littéraire. Mr. Kenhazo a également salué la contribution scientifique importante de l’ouvrage à l’évolution des débats contemporains.
Professeur Eugène Ebode est Docteur en littérature française comparée de l’université Paul Valéry de Montpellier 3, Docteur Honoris Causa de l’université Mahatma Gandhi de Conakry en Guinée, Il est diplômé de l’institut d’études politiques d’Aix-en-Province, diplômé du Celsa, Ecole des hautes études en sciences de l’information de la communication. Il est aussi chroniqueur littéraire au quotidien suisse le Courrier (Genève) depuis 2006. Au regard de son parcours, de sa bibliographie avec huit ouvrages à son actif, et sa contribution significative à l’histoire, à la littérature et la culture africaine, …, la chaine franco-allemande Arte lui consacrera très prochainement un documentaire pour l’ensemble de son oeuvre.