A trois ans de la fin de l’accord de partenariat entre le groupe des Etats d’Afrique des Caraïbes et du Pacifique (le groupe ACP) et l’Union européenne (UE), plus connu sous le vocable « Accord de Cotonou », accord signé le 23 juin 2000 à Cotonou au Bénin pour une durée de 20 ans, le groupe ACP affûte sa communication, définit ses priorités et son positionnement en vue des négociations en 2018, d’un partenariat Post-Cotonou avec l’UE. Dans cette perspective, le groupe ACP compte bien y être un acteur sur la scène internationale.
La question cruciale de l’avenir du groupe ACP mérite pourtant une attention particulière, au regard à la fois du financement du fonctionnement de base du Secrétariat ACP, qui dépend de 60% de la contribution des Etats membres et de 40% de l’UE, son principal partenaire, et les nombreux défis de développement intra-ACP et mondiaux auxquels doit faire face le groupe. La fin de l’accord de partenariat ACP-UE en 2020, ne garantie pas la part de contribution de l’UE au budget de fonctionnement du groupe ACP. Dans cette hypothèse, il va falloir trouver 40% du financement du groupe ACP, pour s’assurer de la continuité de son efficacité et de son expertise en tant que support technique du groupe ACP et bras séculier dans les négociations. Trouver d’autres sources de financement, établir d’autres partenariats, …, permettraient sans aucun doute au groupe, d’être plus autonome et d’imprimer sa vision de l’avenir à la fois du groupe ACP, de ses relations futures avec l’UE et du monde.
L’autre défi de taille concerne le financement du développement, du Commerce, l’industrialisation, la transformation des produits de bases (produits agricoles, bois d’oeuvre, métaux, minerais, …), des Etats ACP. Les questions de dialogue politique et de plaidoyer, de politique humanitaire, la continuité de la mise en œuvre des programmes indicatifs nationaux et régionaux, financés par le Fonds Européen de Développement (FED) sont dans ce collimateur des défis du groupe. Sans oublier les défis liés aux accords de partenariats économiques (APE), à l’implémentation de l’Accord de Paris sur le changement climatique, à l’agriculture et l’éducation des pays ACP. Dans un contexte mondial marqué par le Brexit (British Exit, ou la sortie de Ruyaume-Uni de l’Union européenne), le terrorisme, la question question migratoire, et bien d’autres, le positionnement et le rôle sur la scène internationale que compte jouer le groupe ACP constitué de 79 Etats, loin d’être utopique, s’avèrent importants. Pour cela, les réformes et la modernisation de la structure du fonctionnement des instances dirigeantes du groupe ACP et du Secrétariat ACP devraient être un premier baromètre pour permettre au groupe de répondre plus efficacement à ses nombreux défis. Autant de défis à relever, qui appellent à la plus grande responsabilité aussi bien des Etats membres du groupe ACP, du Secrétariat ACP, que des partenaires de la coopération au développement.
La 105ème session du Conseil des ministres ACP (CMACP) dont les travaux ont entamé le 02 mai 2017 était honorée par S.E. Peter Thomson, Président de la 71ème session de l’Assemblée générale des Nations Unies. Tout en reconnaissant les efforts consentis par le groupe ACP pour l’avancement de la démocratie, de la paix, de la sécurité et du développement durable, le président a exhorter le groupe ACP à établir des partenariats innovants, à mobiliser les ressources endogènes pour réaliser les objectifs du développement durable (OMD).
Présidée par Dr Abraham Tekeste, ministre des Finances et de la Coopération économique de la République démocratique fédérale d’Éthiopie, Président en exercice du Conseil des ministres ACP, la 105ème session du CMACP, ainsi que la 42ème session du Conseil conjoint des ministres ACP-UE, Co-présidée par Dr Abraham Tekeste et George Vella, ministre des Affaires Etrangères de Malte, Président en exercice du Conseil de l’Union européenne, sessions qui se sont tenues du 02 au 05 mai 2017 à Bruxelles, ont permis au groupe ACP d’approfondir ses consultations intra-ACP relatives aux défis précités, ainsi que sur des thématiques bien spécifiques.
Tel était le cas le 02 mai 2017, où la réunion dite « Consultations ministérielles », présidée par Louis Paul MOTAZE, ministre de l’Economie, de la Planification et de et de l’Aménagement du territoire du Cameroun, a planché sur la question des produits de base. La question économique des « chaînes de valeurs agricoles » par exemple, qui concerne aussi bien la productivité, l’investissement, le commerce était au coeur des consultations. La nouvelle approche du groupe ACP pour l’appui aux chaînes de valeurs agricoles des petits producteurs, adoptée le 14 avril 2017 par les ambassadeurs ACP est une avancée considérable. Cette nouvelle « approche thématique » se départie de l’approche produit par produit et s’appuie sur les objectifs et les priorités des régions, pour développer des chaînes de valeurs avec une valeur ajoutée beaucoup plus grande qui reste dans les pays ACP, nous a confié Viwanou Gnassounou, Sous-secrétaire général du groupe ACP en charge du Développement durable et du Commerce. Cette approche a par ailleurs été très bien appréciée par le Conseil des ministres ACP, qui n’a pas manqué de féliciter l’aboutissement d’un long processus de toute une équipe d’experts ACP.
Une autre question de grande importance débattue, était celle du projet ACP-UE d’appui à la mobilisation des ressources intérieures, en vue d’améliorer le climat des Affaires dans les pays ACP. Ce projet qui répond à deux défis majeurs: le financement du développement et le développement durable à l’horizon 2030, peine à engranger l’impact escompté. Le constat est que la faiblesse des politiques et administrations fiscales, l’étroitesse de l’assiette fiscale, l’évasion fiscale,…, influencent négativement et affaiblissent la mobilisation des ressources intérieures, selon les experts ACP. Des pistes de solutions ont été évoquées telles que l’apport d’aide additionnel, les réformes fiscales, une politique fiscale qui promeut les impôts plus justes et transparents ainsi que la bonne gestion de ces impôts. La question qui demeure est de savoir si les gouvernements des Etats ACP seront à même d’appliquer ces mesures.
Il en était de même de la question financement de la coopération, discutée par le Comité ministériel ACP de coopération pour le financement du développement et présentée lors de la séance plénière. Les ministres ACP ont examiné le rapport de l’évaluation du 11ème FED (une étude commandée par la Commission européenne), en terme de progrès réalisés dans les pays ACP, et les défis à relever jusqu’en 2020. Selon ce rapport qui révèle quelques contradictions, « la programmation du 11ème FED est restée très pertinente pour l’éradication de la pauvreté, les OMD et les principes de l’efficacité de l’aide. Cependant fort est de constater que cette programmation du 11ème FED a été influencée par les priorités de Bruxelles et moins par le choix des partenaires locaux, bien que ceux-ci aient été consultés », à titre d’exemple. Onze recommandations destinées à consolider les points forts et corriger les lacunes identifiées émanent aussi de ce rapport.
Les ministres ont aussi examiné le « Rapport du groupe de contact sur la proposition de l’UE relative aux modalités de mise en oeuvre de l’article 68 de l’Accord de Partenariat de Cotonou au Comité ministériel ACP de Coopération pour le financement du développement ». La mise en oeuvre de cet article vise à utiliser l’enveloppe B(besoins imprévus) pour un appui financier aux pays ACP en cas de chocs exogènes.
Des possibilités de créer un cadre de coopération intra-ACP, de diversifier les partenaires de coopération au développement existent. Elles peuvent permettre au groupe ACP d’être plus autonome, d’amorcer les négociations futures avec l’UE de manière plus sereine, pour autant qu’elles soient appliquées. Tel est le cas de la promotion et du renforcement de la coopération Sud-Sud, ou même de la coopération triangulaire. La coopération sur le commerce, l’échange de connaissances et de bonnes pratiques, le financement à petite échelle de projets de développement, la création d’un Fonds de placement, d’un Fonds fiduciaire, tout comme la diversification de partenariats, évoquée depuis des années mais non encore concrétisée sont des exemples de possibilités qui existent. Mettre en oeuvre ces pistes de solutions et bien d’autres permettront au groupe ACP d’avoir un baromètre de son équilibre future d’ici la fin de l’Accord de Cotonou, et d’être dans des conditions idéales pour des négociations avec l’UE en vue d’un nouvel accord Post-Cotonou, plus équilibré dans un respect mutuel.
Donner des moyens au groupe ACP lui permettant d’ atteindre les Objectifs de Développement durable (ODD) à l’horizon 2030, permettre au groupe ACP de jouer un rôle important sur la scène internationale, et surtout lui permettre d’amorcer les négociations en 2018 de manière sereine pour un nouvel accord de partenariat avec l’UE, telle est l’équation mathématique à plusieurs variables à résoudre. Les différents travaux du Conseil des ministres ACP et ACP-UE ont permis au groupe ACP, de prendre quelques résolutions et décisions importantes qui vont dans le sens de solutions, ci-dessous présentées par Dr Abraham Tekestre, lors de la conférence de presse du 04 mai 2017.
Résolutions:
1. Le Commerce et le développement du secteur des produits agricoles ACP
Les ministres ont fait état de leurs inquiétudes, concernant les accords commerciaux conclus entre l’UE et les concurrents des bananes ACP et pays producteurs de sucre. Ils ont lancé un appel à adopter des contingents tarifaires minimums pour les importations de bananes et de sucre. Ils ont invité l’UE à collaborer pour s’assurer des effets négatifs minimes sur le commerce ACP-UE, en raison du départ imminent du Royaume-Uni de l’Union européenne («Brexit»).
2. Les accords de partenariat économique ACP-UE (APE)
Le Conseil des ministres a réaffirmé son engagement à renforcer les relations commerciales ACP-UE, tout en lançant un appel à l’UE, à faire preuve de souplesses pour répondre aux préoccupations des pays ACP. Ces négociations sur l’APE concerne l’Afrique centrale, l’Afrique de l’Est et le Pacifique. Le Conseil des ministres a réitéré ses inquiétudes concernant les effets néfastes des négociations du Brexit sur le commerce avec les pays ACP. Il s’est félicité de la réunion du Comité mixte ministériel ACP-UE sur le commerce qui se tiendra le 20 octobre 2017 et a invité les membres à s’attaquer de manière exhaustive aux préoccupations des APE.
Décisions
Au terme des travaux et après délibérations du 3 au 4 mai 2017, le Conseil des ministres a invité le Comité des ambassadeurs à réfléchir sur les actions de réformes à mener pour moderniser le groupe ACP. La question du financement du groupe étant prioritaire, le Secrétaire général du groupe ACP Dr Patrick Ignatius Gmoes a mentionné que le travail à réaliser se fera en concert avec les gouvernements, vers la création d’un Fonds de Dotation. Trois grandes décisions ont été prises:
Décision 1
Le Conseil des ministres a mandaté le Comité des ambassadeurs:
– d’ examiner l’Accord de Georgetown, le document fondateur de l’organisation ACP, tout en tenant compte des décisions pertinentes des Sommets ACP et du Conseil des ministres, ainsi que du document-cadre « ACP Une nouvelle vision pour notre avenir ».
Décision 2
Le Conseil a approuvé trois domaines prioritaires pour guider les futurs programmes et activités du Groupe ACP après 2020. Il s’agit :
Domaine 1: Commerce, Investissement, Industrialisation et Services;
Domaine 2: Coopération au développement, Technologie, Science et innovation / Recherche;
Domaine 3: Dialogue politique et plaidoyer.
Décision 3
Une troisième décision a réaffirmé la solidarité avec le peuple et le gouvernement d’Haïti, à la lumière des catastrophes naturelles récentes qui ont dévasté la nation. Le Conseil ACP enverra une petite délégation en Haïti pour identifier les projets qui pourraient être soutenus par le Groupe ACP dans le cadre du 11ème FED.
Pour concrétiser ces résolutions et décisions du Conseil des ministres ACP, Dr Abraham Tekeste, lance un appel à passer à l’action. Je cite « Le groupe ACP, notre organisation de 79 Etats membres est à la croisée des chemins, au moment où il est appelé à se pencher sur le moyen de devenir un acteur mondial plus dynamique et plus efficace, oeuvrant à la mise en oeuvre des Objectifs de développement durable. Nous nous engageons à passer de la parole aux actes, en réformant notre institution pour faire en sorte qu’elle soit modernisée et adaptée à son objet, conformément aux aspirations communes du groupe ».
Depuis sa création le 06 juin 1975 avec l’accord de Georgetown, et la toute première Convention de Lomé, le groupe ACP a toujours fait preuve de solidarité sans faille. Cette solidarité lui confère une certaine cohésion et force d’un groupe de 79 Etats, à même aujourd’hui de capitaliser les acquis et donner une direction à son destin. Le travail herculéen réalisé par le Groupe des Eminentes Personnalités ACP, sous la direction de Chief Olusegun Obasanjo ancien président du Nigéria, travail intitulé « ACP Une Nouvelle Vision Pour Notre Avenir » est riche en solutions et recommandations, pour sortir le groupe ACP d’un future incertain. La fin de l’Accord de Cotonou en 2020, en espérant un renouvellement de l’accord de Cotonou, ne devrait pas sonner comme la fin d’un héritage que le groupe a constitué, bien au contraire, l’expertise du groupe, les nombreux programmes indicatifs nationaux régionaux, intra-ACP, devraient permettre au groupe qui a tous les ingrédients et outils du développement de pouvoir agir, avec l’appui de potentiels partenaires. Trois ans avant la fin de l’Accord de Cotonou, seront-ils suffisants pour implémenter les résolutions et décisions prises lors de la 105ème Session du Conseil des ministres ACP et la 42ème Session du Conseil conjoint des ministres ACP-UE? Le rendez-vous est pris d’ici deux ans pour mesurer l’avancement de ces résolutions et décisions.
Dossier réalisé par Ghislain Zobiyo