Propos recueillis à Bruxelles par Ghislain Zobiyo
BRUXELLES, le 09 janvier (BIPMedia) — « Je crois que « le meilleur outil du développement c’est une bonne gouvernance », a déclaré le Professeur Pierre Defraigne, directeur exécutif du Centre Madariaga et ancien directeur général adjoint de la D.G. du Commerce de la Commission européenne, dans une interview accordée récemment à l’agence Xinhua à Bruxelles.
M. Defraigne s’exprimait ainsi sur sa vision des perspectives géopolitiques pour l’année 2020 concernant l’Asie, l’Afrique, l’Amérique, l’Europe le Moment-Orient et le Pacifique. En ce qui concerne l’Afrique, nous lui avons posé la question ci-dessous.
Xinhua News Agency:
L’Afrique avec ses énormes ressources naturelles (RN), demeure un terrain de prédateurs des multinationales étrangères. Bien que les contrats d’exploitation de ces RN existent, l’Afrique ne tire pas profit de ses RN pour son développement. Une bonne partie de ces pays dépendent encore de l’aide au développement. Où se situe le noeud?
Pr. P.D:
Nous avons cesse de croire, nous les Occidentaux, que le noeud du problème était simplement un marché de libre-échange. Mais en réalité, le développement impose un Etat efficace, stable et intègre. Le meilleur outil du développement c’est une bonne gouvernance.
Parmi les pays au monde qui soient sortis de la pauvreté et qui ont accédé au statut de pays avancés, malgré le fait qu’ils se revendiquent d’être des pays en voie de développement, se classe la Chine. Se sont les pays qui ont su compter sur le marché bien sûr, mais ils ont surtout d’abord et avant tout compter sur des politiques nationales bien conduites avec un leadership exigeant et responsable, qui a une vision à long terme. C’est cette continuité de la gouvernance qui est la marque de fabrique des dix pays d’Asie qui s’en sont sortis.
Il faudrait quelque part arriver avec l’Afrique à mettre au point les modes de gouvernance qui sont plus efficaces. Sinon c’est un tonneau percé. Vous pouvez verser toute l’aide que vous voulez, vous pouvez faire tous les investissements privés, il sortira toujours autant d’eau que ce qui est rentrée.
Ce qui est important en Afrique, je crois, c’est la gouvernance et la coopération entre pays d’Afrique. Je crois que la colonisation a fractionné l’Afrique. Ça aurait pu être autre chose, des divisions selon les ethnies, toutes sortes de clivages religieux éventuellement, mais ici c’est la politique de la puissance coloniale qui a fixé le cadre de la gouvernance de l’Afrique. Il ne faut pas que cela devienne un obstacle à la création d’un marché africain, qui est quand même un élément important de leur réussite.
Je trouve extravagant que l’Afrique fasse son commerce à travers l’Europe, vende ici, et puis nous revendons chez eux. Ça n’a pas de sens. Il faut notamment pour des raisons climatiques, que l’Afrique se développe comme un bloc régional.