BRUXELLES, le 15 Avril (BIPMedia)
Par Ghislain ZOBIYO
Annoncées le 31 décembre 2021 et à l’invitation des autorités du gouvernement de transition en Guinée, sous la haute autorité du Colonel Mamadi Doumbouya, Président de la transition, les « Assises nationales de la Guinée, en vue d’un dialogue de vérité et de pardon ont entamé le 22 mars dernier en Guinée, avec comme finalité la réconciliation nationale. A Bruxelles Capitale de l’Union européenne, ces assises ont eu lieu samedi 9 avril et comptaient une bonne mobilisation des Guinéens acquises à la bonne cause pour l’avancement de leur pays, qu’ils appellent affectueusement « la famille ».
Dirigées par le Comité d’Assises du Benelux, mis en place par Dr Ousmane Sylla, ambassadeur de la République de Guinée auprès du Benelux et président du Comité, ces assises ont donné l’occasion aux guinéens de la diaspora du Bénélux, au Conseil des Guinéens de l’Extérieur, aux différentes coordinations des associations de Guinéens aux médias, aux artistes, aux jeunes, aux sages et aux familles de se rencontrer en tant que citoyens, de se parler et de diagnostiquer les maux de la Guinée qui empêchent au pays d’avancer.
« Nous sommes là aujourd’hui en tant que citoyen, pour faire le bilan de notre histoire depuis 1958 à nos jours ou avant même la période pré-coloniale, pourquoi pas, jusqu’à nos jours. La Guinée a traversé des moments extrêmement difficiles depuis l’indépendance jusqu’à nos jours. il est temps que nous nous parlons, de voir quelles fautes ont été commises de tous les côtés. Toutes les familles en Guinée ont eu des problèmes, ont eu des victimes. Ce n’est pas une seule famille, c’est tout le monde. Qu’on se dise la vérité crue, même si elle est difficile, très dure à supporter, mais qu’on se dise la vérité. Et, après avoir diagnostiqué le mal, on trouve les médicaments. Les médicaments seront les propositions que vous allez faire », a éclairé l’ambassadeur Sylla, sur les attentes de ces assises juste avant l’entame des travaux.
L’ambassadeur Sylla a insisté sur la directive des représentants du Comité national des Assises: « Chaque guinéen doit pouvoir prendre la parole. Il faut donner la parole à tout le monde », dit-il. Il faut que nous pussions dire ce qui nous tracasse. Faisons un diagnostic du pourquoi la Guinée n’avance pas depuis 1958 à nos jours malgré toutes ses potentialités. La Guinée à d’excellents cadres partout dans le monde, et en Guinée même. La Guinée a de la matière grise, elle a de l’agriculture, le sol est très riche, il pleut beaucoup en Guinée. Mais pourquoi on est en retard s’est-il interrogé? Diagnostiquons ce mal et voyons ce qu’on peut faire pour y en sortir enfin. Comme les nouvelles autorités l’on dit, on souhaite que ce soit la dernière transition ». a relevé l’ambassadeur Sylla.
Pour rappel, la Guinée a connu depuis son indépendance en 1958, trois coups d’Etat. Le premier fût perpétré par le Colonel Lansana le 3 avril 1984, soit une semaine après la mort du père de l’indépendance de la Guinée, Ahmed Sékou Touré.
Le deuxième est intervenu le 23 décembre 2008, après la mort du Président Lansana Conté, où un groupe de d’officiers supérieurs avec à leur tête, le Capitaine Moussa Dadis Camara, décide de prendre le pouvoir. Ils mettent en place le Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD).
La période de transition va durer jusqu’en décembre 2010. Le Président de la transition à savoir le général Sékouba Konaté, va organiser les conditions d’une élection présidentielle pour un retour du pouvoir au civil. Le Professeur Alpha Condé sera élu Président en décembre 2010. Le troisième coup d’Etat est intervenu le 5 septembre 2021. Il a été perpétré par le Colonel Mamadi Doumbouya, l’actuel Président de la transition.
Organisés en 5 tables d’échanges et de discussions de plus ou moins 9 personnes, les participants aux assises nationales pour la vérité, le pardon et la réconciliation ont débattu sur un certain nombre de thématiques élaborées par les autorités du gouvernement de transition. (les cinq tables d’échanges et de réflexion en images sur les liens ci-dessous)
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Des questions sur la violation des droits de la personne en Guinée: les types d’actes de violence (physique, psychique, sexuel, matériel ou économique), subis par la personne, ou même avoir été témoin d’actes de violence, les causes de ces violences, les auteurs de ces actes de violence, et comment y remédier, mais aussi des questions sur les facteurs de blocage de l’émergence de la Guinée et comment venir à bout de ces causes, sans oublier les questions de réparation et bien évidemment la question centrale des réformes institutionnelles dans plusieurs domaines de la vie publique et bien d’autres questions étaient au menu de ces échanges.
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Pendant deux heures, les participants aux tables d’échanges et de réflexion ont eu l’occasion de débattre, de témoigner, d’exposer les différents maux qui minent la Guinée sans langue de bois, en prenant soins de faire des propositions sous forme de recommandations. Interviendra ensuite la plénière. Celle-ci a donné l’occasion aux participants, de partager les conclusions issues des cinq tables d’échanges et de réflexion. Ce fût aussi l’occasion pour les participants à ces assises, de mettre à jour leurs connaissances sur l’histoire de la Guinée, grâce au brillant exposé présenté par N’Faly KOUYATE, un des virtuoses Griots de ce pays d’Afrique de l’Ouest. L’histoire commune de la Guinée sert à la fois à rappeler à la jeune génération, le parcours des grands hommes qui ont bâti ce peuple, mais aussi à témoigner des valeurs qui lient les enfants de ce pays, et le grand défi que le peuple guinéen doit relever aujourd’hui pour remettre le pays sur les rails de la stabilité », a insisté N’Faly.
Le linge sale se lave en famille selon un dicton. Cependant, on retiendra que les différentes conclusions issues des travaux des 5 tables d’échanges et de réflexion, ont permis de mettre en évidence plusieurs types de violences subies par les uns et les autres et précitées dans les thématiques. Ainsi, les violences d’Etat, les violences ethniques, l’impunité galopante, l’injustice, l’ethnisation des partis politiques pour diviser, l’absence de réformes institutionnelles et constitutionnelles, le non respect de l’application des lois, les élites intellectuelles mais surtout les dirigeants politiques qui pillent le bien public, l’insécurité, la pauvreté, l’ethnisation des postes de l’administration, l’effectif pléthorique des partis politiques (300 partis politiques dans un pays peuplé de 13 768 458 millions d’habitants selon les sources du département des affaires économiques et sociales des Nations Unies, comparé à la Belgique peuplé de 11.569 034 millions d’habitants, et où il ya 12 partis politiques) et bien d’autres, …, sont le lot de maux qui minent la Guinée ont révélé les cinq rapporteurs.
Le diagnostic étant ainsi établi, les rapporteurs ont indiqué plusieurs pistes solutions pour sortir la Guinée de l’ornière, à commencer par la justice. Bien que les Assises soient focalisées sur la vérité, le pardon pour la réconciliation nationale, les différents intervenants ont insisté sur la justice qui doit intégrer ce triple volet. « Sans la justice, il n’y a pas de véritable paix et réconciliation rappelle un des rapporteur », et l’Etat doit donner le bon exemple. Réduire drastiquement le nombre de partis politiques dont la plupart ne défendent que des intérêts égoïstes et non ceux de la population, telle a été aussi une des recommandations phares de ces assises, tout comme la suppression de l’ethnisation des postes de l’administration pour donner la chance à tout guinéen. On retiendra également le besoin de réforme de la justice, des institutions de l’Etat à tous les niveaux, la promotion de la bonne gouvernance politique et économique, dissocier le religieux de l’Etat, le retour à l’ordre constitutionnel dans un delais raisonnable, un appel aux nouvelles autorités à avoir un regard critique sur le fonctionnement des partis politiques, les réformes de l’armée et bien d’autres suggestions ont témoigné de la qualité très relevée des contenus des échanges de ces assises à Bruxelles.
Les Sages représentants les quatre régions naturelles de la Guinée, dont la Guinée maritime (ou Basse Guinée), la Moyenne Guinée, la Haute Guinée et la Guinée forestière, ont apporté leur pierre à l’édifice de construction d’une nouvelle Guinée, en rappelant aux uns et aux autres que la Guinée est une et indivisible, mais aussi en lançant un appel à la responsabilité des nouvelles autorités.
Représentante des femmes de la société civile aux Pays-bas, Adamawouri Diallo a pris part à ces assises. Elle a lancé un appel aux nouvelles autorités à l’apaisement. Elle a également lancé un appel à la paix à toutes les femmes de la Guinée aussi bien à l’intérieur que dans la diaspora.
Bâtir une nouvelle Guinée sur de nouvelles bases en ayant la justice comme boussole de toutes les actions, selon la volonté des nouvelles autorités, a relevé l’ambassadeur Sylla pour une Guinée debout et qui va de l’avant, telle est aussi le voeux exprimé par l’ambassadeur Sylla qui a clôturé les travaux de cette journée. L’ambassadeur Sylla a rappelé l’importance du retour à l’ordre constitutionnel mais aussi au pardon des Guinéens. « Pardonnons-nous » a-t-il conclu.
Bien qu’un certain nombre de partis politiques dites de l’opposition se sont abstenus de prendre part à ces assises nationales de la Guinée, celles-ci ont le mérite d’offrir au peuple guinéen de l’intérieur comme dans la diaspora, la possibilité de dialoguer, de diagnostiquer le mal guinéen pour refonder la Guinée sur de nouvelles bases et bâtir « une union sacrée », selon le Colonel Mamadi Doumbouya. D’où la nécessité de prendra part à ces rencontres de la vérité, du pardon et de la réconciliation mais surtout de la justice. La Guinée, au regard de son parcours parsemé de coups d’Etat a déjà connu d’autres moments de dialogue national. L’espoir demeure que ces assises aboutissent à un changement définitif de cap pour l’avenir de la Guinée, et les autorités actuelles ont cette lourde responsabilité. Les assises nationales de la Guinée se tiendront jusqu’au 29 avril 2022.