Il y avait du beau monde au gala du 23 juin 2016, dédié à la remise du Prix International Jean Rey (PIJR), au domaine provincial d’Hélécine. Le Comité d’honneur de cette manifestation, présidé par son Altesse Royale la Princesse Léa de Belgique, comptait d’imminentes personnalités nationales et internationales, à l’instar de Charles Michel, Premier ministre de Belgique, de Michaëlle Jean, Secrétaire générale de la Francophonie, ou encore Yves Leterme, ancien Premier ministre belge et Secrétaire général de l’international IDEA, de Michel Sidibe, Directeur général de ONUSIDA, de Bruno et Vincent Counard, les Frères Talouche à titre d’exemples.
La famille Jean Rey, les ambassadeurs des Etats d’Afrique des Caraïbes et du Pacifiques, personnalités nationales et internationales, les représentants des diasporas en Belgique, la plateforme de la diaspora africaine en Europe (ADNE), le gratin de la diaspora burundaise et amis du Cercle Jean Rey s’étaient déplacés pour vivre une soirée émouvante et inoubliable: la remise du 6ème PIJR à une femme exceptionnelle, Marguerite Barankitse.
Le gala était agrémenté par la projection d’une série de court métrage, sur la vie du visionnaire Jean Rey, les réalisations de la maison Shalom, mais aussi celles de Docteur Mukwege, ou encore la fondation Georges Forest, à titre d’exemples.
Affectueusement appelée Maggy, Marguerite Barankitse a créé la Maison Shalom, pendant la guerre fratricide de 1993 au Burundi. Cette maison baptisée, maison de la paix, est un refuge pour les orphelins de la guerre, du SIDA, aux enfants vulnérables, aux nourrissons en prison et leurs mamans. Cette maison est aussi le symbole de la promotion des droits des enfants, l’amélioration de leur condition de vie quelque soit leur appartenance ethnique.
Connue pour son engagement dans la société civile et ses prises de positions contre les dérapages du pouvoir, Maggy a été contrainte de quitter son pays, suite à un mandat d’arrêt du pouvoir de Bujumbura qui aurait été déposé contre elle, accusée d’avoir aidé les putschistes en 2015. Réfugiée au Rwanda voisin au cous de l’année 2015, elle y poursuit l’essentiel de son oeuvre. En collaboration avec le Président Paul Kagame, Maggy accueille des milliers de réfugiés (mamans, enfants, adultes). Parmi eux plus ou moins 500 étudiants burundais. Ces étudiants peuvent ainsi poursuivre leur cursus dans les universités rwandaises.
Dans son allocution, le député européen Louis Michel, n’a pas hésité à considérer Maggy, comme un de ces piliers généreux qui éclaire le monde quand il s’égare, comme l’a écrit si bien Marguerite Youcenar, souligne t-il « l’insondable mystère de l’univers place à intervalle régulier sur la ligne du temps, des piliers généreux qui éclairent le monde quand il s’égare. On ne peux trouver une situation plus belle plus juste, plus conforme à la vie et l’engagement de personnalités de belles personnes comme Denis Mukwege, comme Marguerite Barankitse. Et donc Maggy ou Marguerite Barankitse, est un de ces piliers de la bonne fortune de l’histoire. »
Louis Michel a fait l’éloge de Maggy et son combat juste et fort admirable, depuis des dizaines d’années. « Elle créé une alternative à la haine, une maison (la maison Shalom) ou tout être humain, peu importe son identité, peu importe son ethnie, est respecté dans sa dignité. Son arme, l’arme de Maggy c’est le verbe, l’audace, c’est célébrer la vie. Sa force, sa volonté de rester debout, de dénoncer un pouvoir tyrannique et autoritaire qui, pour satisfaire son nombrilisme, viole les droits humains de manière éhontée. Au travers de son action, de son combat pour les jeunes et pour l’éducation, c’est une lutte politique à laquelle elle se livre au nom des droits de l’homme et du respect de la démocratie », a ajouté le député européen.
Lancé en 2009 à l’initiative de Louis Michel, député européen et Co-Président de l’Assemblée Parlementaire Paritaire ACP-UE, le PIJR est un hommage posthume, voulu par des hommes et des femmes qui ont connu et apprécié Jean Rey. Député belge (1939, 1946, 1954), président de la première Commission de la Communauté européenne (1967-1970) et chrétien, fils de Pasteur à Liège, Jean Rey a été un des bâtisseurs de l’Union européenne. Durant toute sa vie, il a oeuvré pour la paix, la culture, les valeurs de liberté, l’optimisme et et le goût d’entreprendre.
En effet, le PIJR récompense une personnalité du monde économique, politique, scientifique ou académique de stature internationale pour ses qualités d’humaniste, d’universalisme et de liberté. Le PIJR veut témoigner, que des personnes hors du commun, consacrent leur énergie, leur engagement, à promouvoir les valeurs humaines et le respect de l’individu. Que partout dans le monde des citoyens engagés, luttent pour le respect de la démocratie et les droits de l’homme. Le PIJR aide les femmes et des hommes à retrouver leur dignité d’être humain.
Louis Michel a aussi saisi de cette tribune, pour interpeler les démocrates, la société civile et tout homme politique ayant un sens élevé des valeurs de l’Etat, et des valeurs démocratiques, sur la réapparition insidieuse ou déclarée partout en Europe, de phénomènes inquiétants, véritables plaies brûlantes de l’humanité, comme le racisme, l’antisémitisme, l’islamophobie, les nationalismes, l’intolérance ou encore l’exaltation identitaire. Des phénomènes dit-il, qui déshonorent l’humanité, réduisent l’homme, l’emprisonnant dans la partie la plus sordide et la plus vile de sa nature.
Il a lancé un appel à la vigilance de la communauté internationale, afin qu’elle prenne des mesures d’urgence politique, économique et humanitaire, sur la gravité de la situation actuelle au Burundi, pris dans un tourbillon de haine, dans une frénésie du mal, dans une boulimie de l’horreur, a martelé le député européen.
Maggy a reçu de nombreux prix (35) et distinctions internationaux depuis 1998 à ce jour. Elle a eu des doctorats honorifiques des universités Catholiques de Lille (2011) et de Louvain-La-Neuve (2004), de Duke University (2013). Elle a été décorée par le Président du Burundi (en 2013). Le 24 avril 2016, elle a été la première lauréate du Prix Aurora for Awakening Humanity, à Everan, en Arménie.
Le 23 juin 2016, Marguerite Barankitse a reçu le Prix International Jean Rey à Helecine, en Belgique. Un prix qui vient couronner une fois de plus son oeuvre. « L’oeuvre qu’elle donne à tous, une leçon d’humanité, une leçon de vie, une leçon d’humilité aussi » a agrémenté Louis Michel.
Le Prix International Jean Rey 2016, d’un montant de € 25.000, auquel il faut ajouter la levée de fonds issue de la tombola de cette soirée de gala, permettrons à Maggy de poursuivre son oeuvre et de porter plus haut plus fort ce combat qu’elle mène, pour aider les plus faibles, les sans voix à se tenir debout. « En honorant Maggy, c’est aussi une certaine manière, le témoignage de notre sollicitude, de notre affection pour le travail et le rôle des femmes en Afrique » a conclu le député Louis Michel.
Marguerite Barankitse reçoit le Prix International Jean Rey 2016
Après avoir reçu le Prix International Jean Rey 2016 des mains de Son Altesse Royale, la Princesse Léa de Belgique, suivi d’une chaleureuse accolade, Maggy a été très applaudie par l’ensemble des participants, dans une « standing ovation ». Très émue, Maggy a adressé ses premiers remerciements au Cercle Jean Rey, à Louis Michel, à Jean Rey et à l’ensemble des invités. Ci-dessous, quelques passages de son allocution.
« Ce soir, j’aimerai que vous ayez ce coeur d’enfant. Oubliez vos titres, je vais vous appeler par papa, maman. Ce soir pour moi est moment important. C’est un moment important je voudrais vous dire, ma chère soeur, maman (s’adressant à la Princesse Léa), cher papa Louis (Louis Michel), vous tous les mamans, les papas, mes chères soeurs, de tout coeur merci de m’honorer ce soir. J’en suis très émue. Oui ce soir nous sommes émus car il y a eu dans l’histoire de l’Europe, de la Belgique cet homme qui nous unis. Il a su briser le silence de l’indifférence. Comme le dit si bien notre cher papa Louis, il le dit bien dans son livre, « Jean Rey, une conscience ». Oui Jean Rey a été ce visionnaire avec un idéal politique humaniste.
Nous sommes une famille ce soir. Oui nous sommes réunis ce soir car la Belgique depuis longtemps est notre terre d’accueil. Depuis les moments sombres de l’histoire du Burundi (1965, 1972, 1993, 2015), la Belgique est devenue notre seconde maman. Merci aux familles qui sont ici et qui nous ont accueilli. Chaque famille belge a accueilli une famille burundaise. Aujourd’hui, ayons l’audace de célébrer cette amitié. Ce n’est pas pour vous parler des atrocités, mais plutôt l’espoir de ces deux peuples frères, le peuple burundais et le peuple belge. Célébrons cette amitié sans peur. Ayons l’audace de briser ces différences. Oui, ce soir je voudrais dire aux membres du comité Jean Rey, ce soir, au lieu de tomber dans l’amertume, (et c’était possible pour tout ce qui se passe au Burundi), vous avez brisé le silence de l’indifférence. Vous décidez de le transférer, de faire preuve d’humanité inébranlable au peuple burundais, en m’octroyant ce prix international Jean Rey.
Et ce prix, (je vois ici notre cher Papa, Pierre Claver Mbonimpa, notre chère Mutama Mbonimpa), ce prix, je voudrais le partager. Ce prix qui arrive dans un contexte assez spécial est une reconnaissance et un encouragement. Comme Louis (Louis Michel), épris par la fraternité sans discrimination, dans notre lutte pour le respect du droit à la vie, à un avenir meilleur, oui, votre reconnaissance nous donne une nouvelle énergie pour redonner la dignité et l’espoir au centaine de milliers de réfugiés burundais. Il y’a à peu près 300.000 réfugiés dans la région des Grands Lacs.
Vous venez d’emboiter le pas au peuple Arménien, qui vient de témoigner de sa solidarité au peuple burundais en donnant le « Prix Aurora » pour l’éveil de l’humanité. Ce prix et tous les autres vont nous soutenir. Pour tous ces prix, nous allons pouvoir aider ces jeunes, surtout les étudiants de l’université. Oui ces Prix nous permettent à continuer à donner l’espoir, aux familles réfugiées , spécialement à la jeunesse estudiantine.
Avec le don privé de notre cher papa (s’adressant au responsable de la fondation Georges Forest) et les autres prix, nous allons envoyer 423 jeunes dans les universités du Rwanda cette année, au mois de septembre 2016. C’est grace à ces figures que vous voyez ici devant vous, que nous allons pouvoir poursuivre notre oeuvre, à l’égard des plus faibles, parce qu’ils ont osé briser le silence de l’indifférence. Nous voulons que nos jeunes rentrent avec des diplômes et avec un savoir faire pour reconstruire notre patrie.
(Revenant sur le photo d’un jeune de 15 ans assassiné par la Police burundaise, Maggy a une fois de plus témoigner de sa volonté de perpétuer son combat contre un Etat impitoyable).
C’est à cause de cet enfant qu’on a assassiné à 15 ans à genoux, les bras en l’air, le policier l’a fracassé avec son pistolet, c’est à cause de cet enfant, que j’ai crié haut et fort. A cause des Komezamahoros (enfant de 15 ans, à genoux, assassiné par la Police), je ne me tairai pas. Parce qu’il a été la première victime de la folie meurtrière.
Je voudrais terminer en confiance, en m’adressant d’abord au représentant de l’UNUSIDA. Je m’adresse à vous particulièrement. Parce que ce soir je suis en colère. Parce que ces enfants, on les a fusillé il y a un mois, parce qu’ils avaient gribouillé sur la photo du Président. D’autres enfants gisent dans les prisons. Pour les autres enfants, on a tout simplement fermé leur école. Cher Michel (Michel Sidibe, Directeur de l’ONUSIDA à Genève), votre prénom signifie « qui est comme Dieu. » Nous vous donnons cette mission, d’être actif. Frappez à toutes les portes, dérangez, étonnez. Les mamans qui sont ici levons-nous refusons qu’on vende notre progéniture, ce n’est pas du bétail. Oui, nous voulons aussi que vous alliez chez le Haut Commissaire, pour les droits de l’homme, pour qu’on ouvre nos radios, pour que les journalistes, les 100 journalistes qui ont fuit le pays, puissent retourner. Oui pour que nous les défenseurs des droits de l’homme, nous puissions rentrer en chantant. Oui et maintenant j’ai dit « oh mort où est donc ta victoire? » J’invite tous les burundais qui sont ici, levons-nous avec notre drapeau, chantons notre hymne national.
Vous savez bien que la Belgique et le Burundi sont proches. Vous êtes nos oncles et c’est pour cela, que vous êtes notre seconde nation. Alors levons-nous. Je demande à ce que l’ancien ambassadeur du Burundi à Bruxelles, Julien Nahayo vienne, qu’il prenne le micro pour nous entonner l’hymne national. Venez Mr l’ancien Président du Burundi Sylvestre Ntibantunganya (avril 1994 – juillet 1996). L’ancien président du Burundi a ensuite entonné l’hymne national du Burundi. »
La cérémonie de remise du PIJR s’est poursuivie. Marguerite Barankitse a ensuite reçu l’enveloppe du Prix International Jean Rey, du responsable de la Fondation Georges Forest, d’un montant de 25.000 euros. Ce montant est une contribution à part égale entre le Cercle Jean Rey et la fondation Georges forest.
Au cous de cette même soirée, une autre bonne nouvelle a été annoncée au bénéfice de Magy et la maison Shalom. Maggy sera la prochaine lauréate du Prix Bouamatou d’un montant de 100.000 euros.
La soirée s’est poursuivie autour d’un buffet généreux. Malgré la violente tornade qui a secoué la salle de gala ( la salle s’est presque vidée en quelques minutes), tout est ensuite rentré dans l’ordre. Le calme est revenu et la soirée s’est poursuivie avec la tombola, animée par Louis Michel et par Marguerite Barankitse pour le tirage au sort des tickets gagnants. De nombreux lots allant des lots prestiges (22 lots) aux lots gagnants plus de deux cent) ont fait le bonheur de plusieurs invités.
Animée par Henri N’Zouzi, directeur de radio M’bote, Co-organisée par le Cercle Jean Rey et l’ADNE, cette soirée mémorable inoubliable aura permis au Cercle Jean Rey, une fois de plus de mettre à l’honneur, l’abnégation et la détermination d’une femme qui donne sa vie pour la dignité de ses semblables. Mobiliser un réseau de citoyens et de personnalités actives au service de l’intégration européenne, au moment même où se pose la question du future de l’Europe suite au Brexit, avec la sortie de l’Angleterre des Etats membres de l’UE, le Cercle Jean Rey doit plus que jamais, à côté du PIJR, continuer son oeuvre de promouvoir le projet européen auprès de tous les publics, mais avec un message clair qui doit entre en harmonie avec les attentes des populations. Ghislain Zobiyo