Les 47èmes assises de l’Union Internationale de la Presse Francophone (UPF) se sont achevées le 11 octobre 2018 à Tsakhadzor, à une soixantaine de kilomètres d’Erevan, la capitale arménienne. Près de 300 journalistes et professionnels des médias de 49 pays se sont retrouvés autour du thème « Médias et migrations ».
Les journalistes sont-ils bien formés pour rendre compte de la migration ? Comment choisir le bon angle d’attaque lorsqu’il s’agit des questions migratoires ? Comment éviter les stéréotypes et les manipulations ? Comment respecter les règles journalistiques pour préserver les migrants déjà en souffrance ? Telles étaient entre autre les interrogations ayant sous-tendu le thème des assises : « Médias et Migrations ». Un thème d’une actualité brûlante que les participants ont épluché à travers tables rondes, ateliers et séances plénières, passant en revue les nombreux obstacles relatifs au traitement médiatique des migrations.
Parmi les obstacles cités, il a largement été question de la terminologie, source des conséquences qui dépassent parfois le champ de la sémantique pour susciter de nombreux amalgames et incompréhensions. Pendant la conférence inaugurale, Maria Bou Zeid, experte au centre Libanais de recherche sur l’immigration a tenu à faire la différence entre un migrant (celui qui quitte son pays vers un autre afin d’améliorer sa condition sociale et économique) , un demandeur d’asile (celui qui sollicite une protection internationale mais qui n’est pas refugié) et un réfugié (celui qui a fui les conflits et les persécutions et qui ne peut rentrer dans son pays). Des mots que les journalistes pas toujours formés pour parler des questions migratoires utilisent de façon inappropriée, renvoyant dans la société, une image réductrice des migrants.
Selon la plupart des panélistes, l’information migratoire est souvent traitée sous un angle misérabiliste et sensationnel. Les médias, partagés entre le désir d’informer et celui de vendre l’information mettent en exergue des hommes, femmes et enfants qui fuient leurs pays pour un ailleurs meilleur. Les reportages se singularisent par le choc des images et le poids des mots. L’immigré est alors présenté et considéré comme « dangereux », « sources de nuisance » ou encore « porteurs de maladie ». Mme Bou Zeid a d’ailleurs fait référence à une publication locale parlant de la transmission de certaines maladies grâce aux contacts des migrants vivants dans des conditions d’hygiène déplorables.
Mohammed Zaman Khan, journaliste, écrivain et réfugié Afghan a quant à lui, démontré que les médias s’intéressent aux migrants à leur arrivée et à leurs dures conditions de vie. Passée cette étape, on leur colle plutôt des étiquettes du genre » voleurs d’emploi, vecteurs des maladies ou responsable de la surpopulation… « . Au final, l’opinion assimile plus une idée reçue que l’information, la vraie.
L’immigré est très souvent stigmatisé et marginalisé, parce que présenté comme une menace et un risque pour la stabilité économique et sociale. Ce traitement biaisé de l’information lui donne une image réductrice et aggrave une perception déjà négative de la société vis-à-vis de lui. Pourtant, selon les Nations unies, les migrants internationaux estimés à 250 millions, soit moins de 3% de la population mondiale, travaillent et contribuent à l’économie des pays d’accueil et des pays d’origine. Mais de cela, les médias n’en parlent pas souvent, alors que leur devoir est de rendre compte de la contribution positive de ces personnes dans la société où elles vivent.
Lorsque « 250 millions de personnes se déplacent, il ne s’agit plus de voir cela comme un problème, mais comme une donnée essentielle de la mondialisation actuelle des sociétés humaines et il faut trouver une solution pour pallier ce phénomène », a souligné Tidiane Dioh, Responsable du programme médias à l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF).
……Plus de fraternité, d’humanisme et d’empathie
Le cas du petit Aylan, Syrien âgé de 3 ans seulement, mort noyé dans le naufrage en Turquie a plusieurs fois été cité en exemple tout comme les nombreuses embarcations des migrants qui échouent dans la Méditerranée, pour montrer que l’immigration est généralement présentée sous le spectre d’un péril absolu.
Bien que certains médias effectuent un travail d’investigation et de qualité irréprochable sur la question migratoire, reste cependant que l’information oscille très souvent entre compassion et sensationnalisme, un accent particulier étant mis sur le choc des images. Ils jouent sur l’émotion, en montrant des images parfois insoutenables.
Les médias ont un impact important sur la vie des migrants, des demandeurs d’asile et des réfugiés, ainsi que sur leur niveau d’intégration et d’acceptation par la société. Leur rôle est capital, parce qu’ils permettent à la société de mieux comprendre les difficultés et la détresse humaine des populations migrantes. Ils ont le devoir d’éviter les stéréotypes concernant les migrants sinon, ils favoriseraient dans la société d’accueil, la recrudescence de la discrimination, du racisme, de la xénophobie et bien d’autres formes d’intolérance.
Tout au long des assises, les participants ont reconnu le fait que les migrations ont toujours fait partie de la condition humaine. Les nations s’étant construites sur la tolérance et les brassages, d’où la nécessité de déconstruire le discours sur l’immigration. Et déconstruire ce discours suppose de s’intéresser de plus près aux vrais questions qui justifient les migrations, former les journalistes pour mieux aborder les questions migratoires et éclairer l’opinion par un rendu plus humain, simple et compréhensible. Le traitement de la question migratoire doit se faire de manière éthique, professionnelle et humaine et le rôle des médias est fondamental dans la déconstruction des préjugés pour renforcer la cohésion sociale et préserver les libertés fondamentales.
Le bureau de l’UPF renouvelé
Les 47èmes assises se sont achevées sur un ensemble de résolutions et motions, notamment celle relative à l’Aquarius, ce navire de l’ONG « SOS Méditerranée » affrété pour sauver des migrants en mer et menacé de rester à quai, faute de pavillon.
En marge des travaux, le comité international a tenu son assemblée générale, en vue d’élire un nouveau bureau. A l’issue de cette élection, Madiambal Diagne, Président du groupe Avenir Communication, Président du Conseil des diffuseurs et des éditeurs de presse du Sénégal a été reconduit au poste de Président international de l’UPF. Le Secrétariat général est désormais tenu par une femme, Zara Nazarian, précédemment trésorière internationale et Présidente de l’UPF Arménie. Quatre vice-présidents et une trésorière complètent le nouveau bureau, dont le mandat est de deux ans.
Il est à noter que non seulement les femmes sont assez représentatives dans ce bureau, mais celles-ci occupent désormais des postes stratégiques comme la vice-présidence et le secrétariat général. Ceci traduit l’esprit démocratique et d’ouverture dans lequel l’UPF est engagé, et qui est sans doute capital dans la poursuite de son développement et le renforcement de sa notoriété. .
Les 48èmes assises se tiendront à Yaoundé capitale du Cameroun, en 2019. « Venez au Cameroun en 2019, découvrir les reflets de son bouillonnement médiatique. Venez découvrir un pays de 25 millions d’habitants, mosaïque culturelle et culturale qui en fait une Afrique en miniature. Venez au Cameroun découvrir une nation entière et fière de s’enrichir quotidiennement au contact des autres. Venez donc vous enrichir et nous enrichir par vos différentes expériences….», a lancé aux participants, le président de la section de l’UPF Cameroun, Aimé Robert Bihina.
On ne pouvait pas attendre mieux en termes d’invitation et nous vous disons d’ores et déjà : Bienvenus au Cameroun !
Texte et photos : Catherine Flore Ngo Biyack, Tsakhadzor (Arménie)