Renforcer l’intégration régionale en Afrique Centrale à travers la signature de Conventions de financement du PAGIRN, du PASMMAR, et des contrats de construction de ponts, telles étaient les résolutions prises au terme du séminaire entre l’Union européenne et l’Afrique Centrale qui a eu lieu les 26 et 27 Avril 2018 à Bruxelles.
Dossier de la rédaction UE/Afrique Centrale (2ème Partie)
La journée du 27 avril 2018 fut importante pour les acteurs et partenaires de la coopération UE /Afrique centrale, au regard de l’agenda d’activités des différents sujets à débattre, les résolutions et les engagements à prendre afin de relever les défis de l’intégration régionale en Afrique centrale. Entamée dès 9h dans la salle emblématique « Robert Shuman » de la Commission européenne, la les différents interlocuteurs ont abordé les questions de dialogue politique régional, la sécurité maritime du Golfe de Guinée (GG) et l’accord Post-Cotonou. La réunion du Comité de Pilotage Elargi (COPEL) qui suivra en début d’après-midi s’est appesantie sur les sujets amorcés la veille par le Comité de Pilotage ( lire notre article http://www.bipmedia.be/spip.php?article562&var_mode=calcul#), avec un objectif de formuler des recommandations, des propositions et soumettre celles-ci au niveau politique stratégique.
Sur la question de la sécurité maritime du GG et pour mieux comprendre les actions menées par la CEEAC en charge de la paix et la sécurité dans le GG et en Afrique Centrale, rien de plus probant qu’une présentation de la situation dans le GG. Tel était l’exercice auquel s’est livré l’assistante du département Paix et Sécurité du Golfe de Guinée (GG) de la CEEAC.
S’appuyant sur le rapport du bureau maritime international au niveau du GG, 29 cas de piraterie maritime ont été enregistrés au cours du premier trimestre 2018. Ce qui représente plus de 40% de cas enregistrés dans le monde entier. Il en est de même des actes de détournement des navires qui avaient presque disparus il y a plusieurs années. Comparé au premier trimestre 2017 cela représente 100% d’augmentation de détournements. « Sur les 32 cas de piraterie maritime enregistrés au niveau de la CEEAC, deux cas se sont produit au Cameroun. Tous les autres s’étant produit en Afrique de l’Ouest », a relaté l’Assistante.
Dès lors, pour lutter efficacement contre cette piraterie maritime afin d’assurer la sûreté et la sécurité des intérêts vitaux en mer, la CEEAC a élaboré une architecture à travers des centres d’opérations maritimes, de Centre Multinational de Coordination, de Centre Régional de Sécurité Maritime (CRESMA). Par ailleurs suite au protocole de Kinshasa signé par 9 Etats (Angola, Cameroun, Gabon, Guinée Equatoriale, République du Congo, RCA, RDCongo, Tchad et Sao Tomé et Principe) de la CEEAC en octobre 2009, une synergie a vu le jour pour une stratégie régionale de sûreté et de sécurité maritime dans le GG entre la CEEAC la CEDEAO et la Commission du Golfe de Guinée. Cette synergie s’est matérialisée par la création d’un Centre Inter-régional de Coordination. Ce centre est opérationnel depuis février 2017 a conclu l’Assistante du département Paix et Sécurité de la CEEAC.
Plusieurs actions sont donc entreprises par la CEEAC pour sécuriser le GG. Cependant, faute de moyens financiers récurrents, d’équipement en matériel adapté : matériel de détection et de localisation des navires impliqués dans les actes d’attaques des bateaux de pêche et bateaux commerciaux, …), certaines de ces initiatives restent inactives et donc inefficaces. Le CRESMA par exemple bien qu’ayant démarré, connait des problèmes de financement ou encore l’absence d’équipement nécessaire a indiqué le Secrétaire général de la CEEAC, qui a saisi cette circonstance pour plaider auprès de l’UE, pour un appui à la sûreté et à la sécurité des intérêts vitaux en mer des pays de la CEEAC.
Selon le coordinateur principal de l’UE pour le GG, Nicolas Berlanga Martinez, il faut traiter cette question de façon beaucoup plus large. Il a ainsi évoqué d’autres aspects de menaces en mer tel que la pêche illégale, le commerce illégal, l’insécurité des bateaux de pêche à titre d’exemples.
Soucieux d’accompagner depuis de longues années l’Afrique en général et l’Afrique centrale en particulier dans leurs efforts d’intégration régionale, à travers les organisations régionales mises en place :CEMAC et CEEAC, la CEDEAO, SADC, la CAE, les échanges entre ces organisations régionales ou encore récemment l’implémentation de la « Zone de Libre Echange Continentale (ZLEC) de l’Union Africaine, l’UE et la Banque Africaine de Développement ont une fois de plus posé des jalons pour accélérer le processus d’intégration régionale en Afrique centrale (AC). Ils ont signé ce 27 avril 2018 à Bruxelles, deux importantes conventions de financement de deux programmes à savoir : Programme d’Appui à la Gouvernance des Infrastructures Régionale et Nationale (PAGIRN) et le Programme de Sûreté et de Sécurité Maritime (PASSMAR) dans le Golfe de Guinée
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Toujours dans ce sillage d’appui à l’intégration régionale en AC, deux contrats de construction de ponts entre la Cameroun et le Tchad d’une part, la Cameroun et le Nigéria d’autre part ont été signés entre l’UE et la BAD. Nous y reviendrons plus loin dans les détails.
Le PAGIRN
Le PAGIRN a été conçu en collaboration avec les gouvernements de différents pays d’Afrique centrale et les délégations des pays membres l’UE, nous explique Sergio Oliete Josa, Premier Secrétaire et Chef d’équipe Infrastructures de la délégation de l’UE au Cameroun. Ce programme vise à appuyer la préparation des projets et la coordination en Afrique centrale, pour que les projets puissent arriver à maturité rapidement. L’objectif est d’avoir de bons projets. Il est aussi question dans cette gouvernance, d’assurer une meilleure gestion des infrastructures (route, pont, chaussée, chemin de fer, …), en terme de maintenance, de règlementation des usagers, de la sécurité et de la protection du patrimoine.
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En effet, le PAGIRN vise à renforcer les capacités régionales de gestion des infrastructures et contribue aux capacités d’interconnexion de transport terrestre, aérien, l’énergie, les nouvelles technologies de l’information. Il est de ce fait, un facteur de compétitivité. Ce projet compte améliorer le climat des affaires et ouvre la voie aux investissements, surtout les investissements a insisté Stefano Manservisi, directeur général de la DEVCO.
Doté d’une enveloppe de 20 millions d’euros, don de l’UE , ce programme sera mis en oeuvre par la CEMAC, le Cameroun, le Tchad et la RDCongo au profit de toute la région. Ce programme aura un impact positif direct sur l’intégration économique et commerciale, mais aussi la consolidation de la paix et de la stabilité de la région.
Deux contrats d’infrastructures investissements ont été signés entre l’UE et la Banque Africaine de Développement. Les projets d’infrastructures qui entrent en ligne de compte dans ce contrat sont financés sous forme de mixage prêt-don, où L’UE contribue par un don, ce qui facilite les pays bénéficiaires à prêter à des taux beaucoup plus concessionnels auprès de la BAD.
Le premier projet concerne la construction d’un pont sur le fleuve Logone, entre Yagoua (Cameroun) et Bongor (Tchad) et des aménagements connexes. Le coût total de l’ouvrage s’élève à 112,79 millions d’Euros . Le projet est financé à 59% par la BAD. L’UE intervient sous forme de don pour un montant de 40 millions €. Ce pont va contribuer à l’amélioration de la circulation des biens et des personnes, mais également au désenclavement de zones à fort potentiel économique entre la région Septentrionale du Cameroun et le Nord-Est du Tchad, a indiqué le directeur Afrique centrale de la BAD. Ce projet tend à redynamiser les échanges commerciaux entre le Cameroun et le Tchad, échanges lourdement affectés par la présence de Boko Haram.
Le 2ème projet concerne la construction d’un pont à double voie de 402 mètres, sur la Cross river (corridor Bamenda (Cameroun)-Enugu (Nigéria)), en remplacement du pont actuel à voie unique. Il va relier les localités d’Enok (Cameroun) et de Mfum (Nigéria) et permettra la fluidité du trafic au passage de la frontière entre les deux pays. Ce pont aura la particularité de faciliter les échanges socio-économiques et commerciaux, et favorisera les synergies entre les deux communautés que sont la CEEAC et la CEDAO. Une enveloppe de 25 millions € sous forme de don de l’UE est affecté à ce projet.
Les principaux bénéficiaires directes du pont sur le Logone que sont le Cameroun et le Tchad, représentés lors de la signature de la convention de financement par les Ordonnateurs nationaux respectifs à savoir Amaline Ousmane Mey et Dr Issa Doubragué, ont exprimé leur gratitude.
Allamine Ousmane Mey
Je me réjouis de prendre la parole pour exprimer la gratitude du gouvernement camerounais, de son Président de la République pour l’attachement toujours constant, de l’UE pour le développement de cette coopération de très longue date riche et fructueuse. Je voudrais Mr le DG de la DEVCO exprimer une fois de plus notre gratitude à l’égard des récents développement et projets, manifestant à nouveau la dimension sous-régionale, continentale de cette approche basée sur une volonté d’intégration forte, une volonté de réformes et de promotion de gouvernance plus solide et une volonté de promotion du secteur privé propice à la création de la richesse et de l’emploi, les 3 piliers oeuvrant pour conduire vers une meilleure condition de vie des populations. Nous sommes très honorés d’être le porte flambeau de la sous-région au regard de deux infrastructures, qui feront l’objet de financement en mixage Prêt-Don aussi bien sur le Logone entre Yagoua et Bongor que entre Enugu et Bamenda, sur la Cross river. Il me semble que cette dynamique correspond au plan stratégique de développement de nos différents pays qui visent à faire de l’intégration, le pilier du développement économique et social.
Permettez moi de dire la détermination du Cameroun à apporter toute sa contribution dans le cadre du PAGIRN, qui est en droite alignement avec la vision 2030 des Nations Unies, en plus d’une grande action de l’UA pour garantir l’accès de tous à l’énergie, pour bien entendu bâtir les infrastructures résiliantes dont nos économies ont besoin. Nous avons également à manifester notre gratitude quand à la dynamique de l’organisation de cette coopération autour de la responsabilisation du Cameroun, Ordonnateur national, pour prendre les prérogatives régionales dans la conduite de ces opérations d’interconnexion et d’intégration sous-régionale.
S’agissant de la BAD qui est un partenaire dans cette opération de Blending, nous ne pouvons que saluer sa disposition à nous accompagner sur le plan financier.
Dr Issa Doubragué :
« Aujourd’hui est un jour important pour le Tchad particulièrement, pays enclavé de toute part de l’intérieur comme de l’extérieur et qui salue ce projet intégrateur, projet qui va l’aider à renforcer son désenclavement, à se connecter au Cameroun qui oeuvre sans relâche au renforcement de désenclavement de notre pays. j’ai voulu faire allusion à l’étude de faisabilité qui entamera bientôt, pour la connexion électrique et aussi le chemin de fer, tout comme la construction de ce pont qui est tellement important d’abord pour le Tchad et ensuite pour le Cameroun et qui permettrait aux deux peuples de mieux circuler ainsi qu’aux biens et services d’aller de part et d’autre plus facilement. Et donc l’appui au renforcement des capacités de gestion la planification de recherche et de plaidoyer des opérateurs, soutenus par l’UE et les autres partenaires est une initiative que nous saluons. De telle initiative renforce l’intégration régionale et bâtisse la gouvernance des infrastructures dont nous avons tous besoin dans les domaines des transports, de l’énergie, des technologies de l’information et de la communication. Nous saluons l’appui de la BAD dans le cadre de bâtir les infrastructures résiliantes ».
La signature de la convention de financement du PAGIRN fut moment de consécration qui traduit non seulement un engagement en acte concret, mais surtout le fruit d’une longue coopération riche et fructueuse. Selon Stefano Manservisi, directeur général de la DGDEVCO, l’esprit et l’effort de l’UE visent à accompagner les pays d’Afrique centrale dans leur parcours de réformes, d’intégration, d’amélioration des conditions de vie des citoyens et de création d’un bon climat des affaires. Ce programme (PAGIRN) montre aussi bien les liens entre le national, le régional et le continental.
Saisissant de cette circonstance exceptionnelle, Daniel Ona Ondo, Ordonnateur National et Président de la Commission de la CEMAC a vanté le mérite de la coopération CEMAC, CEEAC et l’UE, traduite par la signature des présentes conventions. Il a rappelé que le PAGIRN est une réponse au problématique de financement des infrastructures économiques communautaires d’Afrique centrale, mais aussi l’amélioration de la gouvernance des infrastructures économiques, en vue d’apporter un coup d’accélérateur au processus d’intégration en cours.
Cette convention a été signée entre l’UE, représentée par Stefano Manservisi, la CEMAC, représentée par Daniel Ona Ondo, Ordonnateur régional, le Cameroun représenté par Alamine Ousmane Mey, Ministre de l’Economie, de la Planification et de l’Aménagement du Territoire et Ordonnateur National, et le Tchad représenté par son Ordonnateur national et ministre de l’Economie, de la Planification et du Développement du Tchad, Dr. Issa Doubragué.
LE PASSMAR
Il s’agit du Programme d’Appui à la Sûreté et la Sécurité Maritime des intérêts vitaux des Etats de la CEEAC. Doté de 10 millions €, ce programme est aussi un appui aux réformes et au renforcement de capacités avec pour objectif d’améliorer le climat des affaires, et donc le renforcement du cadre institutionnel et juridique. Il a été signé par l’UE représentée par Stefano Manservisi et la CEEAC, représentée par Ahmad Allam-Mi. « Le Golfe de Guinée, l’endroit où le cours de l’unité économique est intense est plus que régional et constitue un atout pour l’Afrique. Il est l’objet de convoitise par les acteurs internationaux au regard de sa position géographique. D’où l’impératif nécessité de déployer une sécurité, une sûreté pour un bon climat des affaires, a indiqué Stefano Manservisi. Ce programme fournira les appuis nécessaires pour les capacités opérationnelles des structures maritimes régionales et nationales de la CEEAC, du centre opérationnel de coordination et le cadre juridique.
Pour Ahmad Allam-Mi, Secrétaire général de la CEEAC, ces accords sont importants pour l’intégration sous-régionale, l’intégration de la CEMAC et jusqu’au niveau continental. « Le PASSMAR vient à point nommé car malgré les projets que nous estimons avoir été réalisés, les défis à relever sont considérables », a souligné M. Allam-Mi. « La sécurisation du GG contribuera à la promotion de l’intégration sous-régionale, facilitera la libre circulation des personnes, attirera les investissements et participera à la sécurisation des installations (pétrolière, portuaires, industrielle,…). Ce qui aura pour conséquence, le développement des activités commerciales et du Commerce maritime international avec les coûts de transport et des assurances compétitives et une stabilité », a indiqué M. Allam-Mi. Ce programme PASSMAR vient renforcer les initiatives de la communauté. Tous les espoirs sont permis, pour la sécurisation des intérêts vitaux en mer des Etats de la CEEAC du GG. Je salue et réitère une fois de plus l’accompagnement sans cesse renouvelé de l’UE dans nos actions de paix de sécurité et de stabilité si chers à l’Afrique centrale, a conclu le Secrétaire général de la CEEAC, sans toute fois manquer de saluer l’accompagnement de la BAD dans cet programme.
itv SG CEEAC : l’UE et la CEEAC ont signé aujourd’hui une convention qui se rapporte à un Programme d’Appui à la Stratégie de lutte contre l’insécurité maritime dans le Golfe de Guinée. Cette convention est importante et qui s’inscrit dans le cadre des soutiens, d’appui que nous avons toujours reçu de nos partenaires européens, pour nous aider à construire tout notre dispositif de sûreté et de sécurité maritimes dans le Golfe de Guinée. Ça nous apporte un soutien pour le renforcement de nos capacités. Et c’est toujours pour ce qui concerne la CEEAC, une question de renforcement de nos capacités humaines et techniques. Dans ce cadre là c’est des financements qui nous permettent d’appuyer nos structures qui existent déjà dans notre stratégie sous-régionale de lutte contre la piraterie pour la sécurité et la sûreté maritime. Vous avez d’abord le CIC que vous connaissez bien qui est à Yaoundé que nous devons aider à évoluer à ce prendre en charge, vous avez le CRESMAC qui est à Pointe noire dans le cadre de notre coopération avec la CEDEAO, la CRESMA c’est notre institution sous-régionale au niveau des Etats membres de la CEEAC pour la coordination des Centres Nationaux. Donc c’est juste renforcer nos capacités mais aussi à un appui quand même diplomatique pour mobiliser tous les partenaires internationaux, le secteur privé et autres pour le financement des différents programmes. Des programmes qui sont très importants pour l’exploitation de nos ressources naturelles et nos intérêts vitaux en mer. Donc il y a beaucoup de programmes de développement qui sont liés à cet type d’accord. Nous espérons pour ce qui est du CIC, grâce à l’appui de l’UE, réussir bientôt notre réunion des pays donateurs du financement de ces programmes du CIC
Partenaires de poids dans la construction et au développement du continent africain en général et la région Afrique centrale en particulier depuis plus de 40 ans, l’union européenne et la Banque Africaine de Développement, à travers le séminaire régional Afrique centrale du COPEL, viennent une fois d’écrire une page de l’histoire, dans l’oeuvre d’intégration régionale en Afrique centrale. Une intégration au sens large qui va rapprocher les peuples et permettre un réel développement économique des pays de cette région. Cependant, et au regard de l’insécurité due à la présence de groupes armées ci-et-là dans certains pays (Nigéria, RCA,…), au terrorisme transfrontalier, à la circulation et vente d’armes, le trafic de la drogue, la piraterie maritime, le braconnage, le commerce illégal des ressources naturelles, sans oublier l’instabilité politique due à l’absence de bonne gouvernance, beaucoup reste à faire pour placer véritablement l’Afrique sur la rampe de l’émergence et tirer un meilleur parti du soutient indéfectible de l’UE et la BAD. Ghislain Zobiyo