Témoignage de deux jeunes agriculteurs sur les réalités de leurs activités

BRUXELLES, le 11 Février (BIPMedia)

Antoine Scohy et Nicolas Scohy sont deux jeunes agriculteurs. L’un est spécialisé dans le secteur du bétail, tandis que l’autre travaille dans la grande culture à savoir, les céréales, le maïs, les pommes de terre et la betterave. Ils ont pris part aux manifestations des agriculteurs à Bruxelles en fin janvier dernier pour demander des allégements des contraintes administratives liées à leur métier, mais aussi pour dénoncer une concurrence déloyale vis à vis des produits importés d’autres pays. Ils apportent un éclairage sur les réalités de leurs activités, l’impact des normes européenne et belge sur leur production. Ils appellent les autorités belges et européennes à mieux soutenir les agriculteurs et surtout les jeunes agriculteurs qui démarrent leur activité.

Nicolas Scohy vient de la région du Sud de Charleroi dans le namurois, du côté Philippeville Gerpinnes. Jeune agriculteur, il travaille depuis quatre ans dans la grande culture. Il a repris une partie de l’exploitation familiale.

« On est lié à des contraintes qui nous sont imposées par des normes européennes mais aussi des normes liées à la région Wallonne, et qui nous mettent en concurrence déloyale avec les importations d’autres pays, qui eux n’ont pas du tout les mêmes normes. Ces pays  peuvent utiliser des produits phytopharmaceutiques qui nous sont peut-être interdit depuis 20 à 30 ans en Europe. Ce qui permet de leur alléger les coûts de production, vue que leurs produits de production coûtent beaucoup moins chers que les nôtres qui eux sont élevés. C’est un peu ça qu’on réclame. S’il faut vendre, il faut mettre tout le monde sur le même pied d’égalité et arrêter d’importer. Nous on produit une agriculture de qualité, et je pense qu’il ne faut pas trop jouer avec ça », a déclaré Nicolas Scohy.

De quoi est-il question dans les normes écologiques contraignantes européennes ?

« On est soumis à un calendrier avec des dates bien précises. Qu’il s’agisse pour le labour d’hiver, c’est à dire préparer la terre pour l’hiver pour les cultures de printemps, ou des dates d’épandage qui nous sont imposées et qui ne correspondent pas toujours à la réalité. Il ferait meilleur pour nous de ne pas abîmer le sol avant, mais on ne peut pas le faire à cause des dates, on doit le faire après. Ce qui  peux poser beaucoup de problèmes dans certaines situations », a expliqué Nicolas Scohy.

Le prix du céréale par rapport au coût de production est aussi une autre contrainte pour les agriculteurs belges et européens, a souligné Nicolas Scohy. « Le prix du céréale, qu’il soit acheté en Ukraine ou acheté ici en Belgique est le même. C’est le marché mondial. Aujourd’hui c’est autour de 175 – 180 € la tonne. Mais les coûts de production qu’on a chez nous sont beaucoup plus élevés que les coûts de production  en Ukraine.  C’est ça qui est contraignant pour nous aujourd’hui », a-t-il ajouté. 

L’inégalité des coûts de production n’avantage pas les agriculteurs belges ou de l’UE

Au niveau du prix des céréales, poursuit Nicolas,  « on est sur un marché mondial. Eux ils ont des coûts de production beaucoup moindre, vue qu’ils utilisent les produits phytopharmaceutiques. Ils ont une main-d’œuvre sociale moins chère, et ils ont moins de contraintes administratives sur le terrain que nous ici. Tout ça leur permet de produire à moindre coût. Ce qui n’est pas le cas pour nous. Nos coûts de production sont beaucoup plus élevés. On est obligé de s’aligner vu que  sur le marché, ce n’est pas nous qui décidons. Ceci nous complique la tâche de vivre de notre métier ». A titre d’exemple, « les produits qu’on utilise pour pulvériser nos céréales sont tellement élevés qu’on est obligé de faire attention aux dépenses.  Mais les gouvernements ne sont pas du toujours liés à la réalité de terrain, et c’est ce qui pose problème. D’un point de vue agronomique les  normes comptables ne sont pas toujours réfléchies.

Face à ces situations, Nicolas Scohy appelle les responsables politiques belges et européennes, à adopter des mesures pour un allégement des contraintes administratives dit-il, « pour libérer plus de temps pour notre travail, parce que pour finir  on passe quasiment deux jours complets par semaine et c’est un minimum pour compléter tous nos papiers ».  Mr Scohy appelle également à alléger certaines mesures sur le terrain et à remettre ces mesures contraignantes dans certaines situations liées à la réelle réalité sur le terrain. « On demande surtout, un meilleur soutien  aux agriculteurs et surtout pour les jeunes qui démarrent », a-t-il conclu.

Antoine Scohy a commencé l’élevage du bétail avec ses parents depuis son enfance.

Tout comme son frère Nicolas, il tire la sonnette d’alarme sur la paperasse administrative qui occupe beaucoup leur temps de travail. « Il y a plein de dossiers à remplir pour le bétail. A chaque fois qu’il y une bête qui rentre ou qui sort, il faut faire à chaque fois les entrées et les sorties. Il faut indiquer les numéros quand on fait des prises de sang. A la ferme c’est la même chose aussi. Dès qu’on fait un traitement il faut les preuves de tout ce qu’on fait et  il faut envoyer des mails.  Si on veut vraiment faire ça comme il faut, il faut deux jours par semaine », a-t-il expliqué. La traçabilité, de la santé du bétail est très importante, a reconnu Antoine. Il a toutefois ajouté que tout ce travail prend énormément de temps.

Antoine a également relevé les coûts de production élevés des agriculteurs belges et de l’UE, qui les mettent en concurrence avec les produits d’autres pays à l’instar de l’Ukraine, qui eux ne respectent pas les normes européennes, et produisent beaucoup. « Ca nous a coûté du temps de l’argent pour produire et au final pour juste savoir boucher le trou de ce qu’on a investi au début de l’année », a-t-il déploré.  

Antoine Scohy a également dénoncé la concurrence dit-il  « un peu déloyale vis à vis des produits importés » qui ne sont pas contraints de respecter les normes européennes. Il a appelé les autorités belges et de l’UE à agir « à ce que la charge administrative soit moindre, que tout le monde gagne sa vie, et qu’on ne nous mettent plus en concurrence avec les autres pays ».

En réponse  à la colère des agriculteurs qui ont manifesté pendant plusieurs semaines dans différentes villes en Belgique, en France, en Allemagne en Hollande à titre d’exemples, et qui dénoncent depuis des semaines des normes écologiques excessives, la Présidente de la Commission européenne, Urusla von der Leyen , a retiré le 6 février dernier, lors de la plénière à Strasbourg, le texte de loi du Pacte vert européen qui prévoyait des objectifs contraignants pour réduire de moitié d’ici 2030, l’utilisation et les risques des produits phytosanitaires chimiques dans l’UE par rapport aux années 2015-2017.Le Premier ministre belge Alexander De Croo, dont le pays occupe la présidence tournante du Conseil de l’UE, a salué ce retrait. «  Il est crucial de garder les agriculteurs de notre côté pour un avenir plus durable de l’agriculture, le dialogue continue », a-t-il estimé

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