Quelques éléments de synthèse au terme du 5ème Sommet UA – UE d’Abidjan, concernant les décisions prises sur la situation des migrants africains en Libye et présentés lors de la Rencontre-débat du 06/12/2017 au Parlement fédéral.
Le 5ème Sommet UA – UE a eu lieu les 29 et 30 novembre 2017 à Abidjan, la capitale de la Côte d’Ivoire. Le thème central était « Investir dans la jeunesse pour un avenir durable » 1. Bien que mon intervention soit focalisée sur les décisions prises sur la question des migrants Africains en Libye, j’aimerai rappeler tout de même que ce sommet était fort attendu par les deux partenaires UA et UE, qui ambitionnent de re-dynamiser leur partenariat, de mieux collaborer et de mutualiser leurs efforts pour faire face aux multiples défis des deux continents (emploi, éducation et formation des jeunes, migration, terrorisme et criminalité transfrontaliers, …). C’était aussi la première participation du Maroc à un sommet UA-UE, depuis son retour dans la grande famille de l’Union africaine. Ce retour du Maroc permet à l’Afrique de constituer véritablement un bloc uni, de parler d’une seule voix et de peser dans les négociations avec ses partenaires. 2ème remarque, alors que le partenariat UA – UE a été décrié depuis des années de paternalisme de la part de l’UE, les deux partenaires ont manifesté et exprimé leur volonté de rebâtir ce partenariat dans un esprit d’équité: discuter d’égal à égal. Le Président de la Commission de l’UE Jean-Claude Juncker l’a rappelé à maintes reprises lors de ses interventions, tout comme le Professeur Alpha Condé, Président en Exercice de l’UA et Président de la Guinée. 3ème et dernière remarque: Il est question enfin, de bâtir une nouvelle alliance stratégique UA – UE, plus qu’un simple partenariat voué à la recherche d’intérêt mercantile, mais un partenariat qui devra s’émanciper de l’esprit peu glorieux du donateur – bénéficiaire, au profit d’une coopération mutuellement bénéfique, régit par les principes d’égalité et de respect, a rappelé Moussa Faki, Mahamat, Président de la Commission de l’UA.
Sur la situation des migrants africains en Libye, la question était au coeur des discussions et échanges. Les dernières informations reçues lors de la conférence de presse du 30/11 présentée par Alpha Condé, viennent de Son Excellence Amira Elfadil Mohammed Elfadil, Commissaire de l’UA en charge des Affaires sociales. Elle avait été envoyée en Libye à Tripoli pour voir la situation sur place et elle est revenue à Abidjan le 29/11. La Commissaire avait visité un camp de 3800 réfugiés africains à quelques kilomètres Tripoli. Des réfugiés majoritairement originaires des pays d’Afrique de l’Ouest. Hommes, femmes et des enfants vivent dans des conditions inhumaines et dégradantes (torture, exactions de toutes sortes, …). Tous veulent le plus rapidement possible sortir de ce ghetto. Il s’agit là d’un seul camp. Le gouvernement libyen affirme qu’il y en a 42 camps, et certainement plus, puisqu’on parle de 400.000 à 700.000, le nombre total de migrants africains en Libye. Petite anecdote: le gouvernement libyen ignorait l’existence de ce camp non loin de Tripoli.
Une déclaration conjointe qui associe l’UA, l’UE, les Nations Unies pour constituer une Talk Force (TF) a donc été adoptée. Cette unité va collaborer avec d’autres institutions, à l’instar de l’Organisation Internationale de la Migration (OIM) à titre d’exemple, pour venir à bout de la situation des migrants en Libye. Le but dans un premier temps de la TF UA-UE-NU est de secourir d’urgence les migrants qui sont dans la situation de détresse. La collaboration entre l’OIM, les autorités libyennes va dans ce sens. Le roi du Maroc (au cours d’une réunion d’urgence avec Emmanuel Macron, en marge du Sommet) a annoncé qu’il engageait des avions pour rapatrier immédiatement un certain nombre de migrants. Cette annonce a été faite par le président de l’Union Africaine, Alpha Condé, qui par ailleurs a lancé un appel à l’UE, à la France, à l’Allemagne pour qu’ils puissent appuyer l’effort du Maroc et rapatrier immédiatement les 3800 migrants du camp de Tripoli et tous les autres. La logistique de rapatriement est prête, a confirmé la Président Alpha Condé. Une évacuation progressive des autres camps sera également programmée. Comment cela s’organise? Les Etats ayant des représentations diplomatiques en Libye, ou les Etats ayant des ressortissants parmi les migrants, vont envoyer les représentants en Libye pour établir un laissez-passer aux migrants. La Libye devra collaborer pour donner l’autorisation aux compagnies aériennes de la TF d’atterrir et de décoller.
2ème décision, dans chaque pays des forces spécialisées de lutte contre les trafiquants et le terrorisme seront déployées, pour démanteler tous ces réseaux, criminels et des trafiquants qui se trouvent aussi bien en territoire libyen que dans d’autres états africains et en Europe et qui collaborent dans ce trafic honteux des êtres humains. Il faut remonter à ces filières et à leur source de financement, saisir tous les comptes, tarir ces sources de financement, identifier les auteurs, et les traduire en justice. Le Président Idriss Déby du Tchad a déjà saisi 18 milliards, nous a certifié le Professeur Alpha Condé. Il est de même du Président du Niger Mahamadou Issoufou, qui en a saisi plus que 18 milliards. Le Président Macron a informé que ces trafiquants avaient des comptes au Moyen-Orient à Dubaï, tout comme le Secrétaire des Nations Unies, qui a signalé qu’il y aurait des comptes en Europe. Chaque pays a la responsabilité de fermer ces comptes a martelé le Professeur Alpha Condé.
Pour lutter contre un phénomène de cette nature, il faut nécessairement une coopération en matière de renseignements, en matière de police. C’est tout l’enjeu de la Talk Force et cela nécessite la coopération de tous les Etats du monde.
Les Parlements Panafricain et Européen (lors de la plénière), tout en condamnant fermement la vente des Africains en Libye, ont demandé une enquête internationale pour « Crimes contre l’humanité ». Ils se sont engagés à dépêcher une mission d’information en Libye pour recueillir les informations. Ils lancent un appel à la communauté internationale à toute forme d’aide pour soutenir l’Union Africaine à résoudre le problème des migrants africains en Libye. Notre réflexion est qu’il faut mettre en place un mécanisme juridique pour régler définitivement cette question et surtout aider l’Etat libyen en déliquescence, afin de pouvoir appuyer les deux gouvernements qui pourraient s’associer et lutter contre le terrorisme qui gangrène le pays et la région du Sahel, aux côtés du G5 Sahel. Il faut savoir que deux gouvernements sont en guerre en Libye, celui de Tripoli, dirigé par Fayez Al-Sarraj et celui de Benghazi dirigé par l’Ex-général Haftar. Ghislain ZOBIYO, envoyé spécial